lundi 19 octobre 2015

Contre l’augmentation des droits d’inscription




La chasse est ouverte ! Un « débat » à sens unique dans le Grand Établissement de Paris Dauphine co-organisé par les lobbies Terra Nova et Institut Montaigne sous le haut patronage de l’AEF, un livre de Bernard Ramanantsoa, ancien DG de HEC, des chroniques dans Educpros, des articles dans Le Monde, c’est comme si tous les tenants du néo-libéralisme s’étaient donnés le mot pour remettre à l’ordre du jour la question de l’augmentation des droits d’inscription. Je doute que cette accumulation doive quelque chose au hasard et les arguments sentent le réchauffé.



Une revendication idéologique



Nous avons déjà eu l’occasion de l’expliquer sur ce blog, l’augmentation des droits d’inscription est d’abord un postulat idéologique néo-libéral qui vise à transférer de l’entreprise vers l’étudiant et futur salarié le coût de la formation. Les partisans de cette idéologie considèrent que l’étudiant doit payer la plus-value salariale que ses études vont lui procurer durant sa carrière.

C’est le modèle du club de football où les clubs formateurs font payer les coûts de formation au sportif et aux clubs utilisateurs une fois la carrière lancée. Les coûts de formation assumés par l’étudiants sont alors financés par l’emprunt avec le risque de créer une bulle financière comme aux Etats-Unis. Pour réduire ce danger, ces pseudo-libéraux n’hésitent pas à proposer d’instaurer un paiement différé. La solution existe déjà en Australie avec le Higher Education Loan Programme. Dans ce cas c’est l’État, et donc au final l’impôt, qui couvre le risque d’impayé en lieu et place des entreprises ; un comble.

Pour d’autres c’est une approche « marketing » qui justifie l’augmentation des droits d’inscription. Il faudrait payer le « juste prix » de l’éducation. C’est l’argument du Iphone ou sa nouvelle version « la voiture d’occasion » : il n’est pas logique que l’étudiant paie moins pour ses études que pour son forfait de téléphone mobile. Le prix participant au positionnement de l’offre sur le marché, un prix trop bas donne une « valeur » trop faible au « produit » éducation. HEC, par exemple, qui recrute 380 étudiants pourrait facilement porter ses effectifs à 400 ou 500 sans que la qualité de la formation et l’insertion des étudiants n’en souffrent pour augmenter ses ressources. Mais, comme chez Hermès, il faut entretenir la rareté du produit pour le positionner sur un segment du luxe.

mardi 29 septembre 2015

L’enseignement privé au secours de l'université?


Quel avenir pour l’enseignement supérieur? (2ème partie)

Depuis 30 ans les politiques ont repris l’équation posée par les pays anglo-saxons : comment augmenter le nombre de diplômés tout en réduisant le coût de l’enseignement supérieur pour l’État. En d’autres termes, comment augmenter la rentabilité du « business » de l’éducation supérieure, son « efficience » comme disait Patrick Hetzel du temps de Valérie Pécresse. La France a ajouté des variables pour augmenter la difficulté : il ne faut pas augmenter les droits d’inscription dans l’enseignement supérieur public, il ne faut pas de sélection, ni en L1, ni maintenant en master.

Or l’éducation est un secteur dont le modèle économique est assez contraint. L’étudiant est formé par des enseignants, plus d’étudiants c’est donc plus d’enseignants. Ces étudiants sont accueillis dans un espace spécifique, plus d’étudiants ce sont plus de m2 à construire. Il vaut mieux des cours en petits groupes que des cours magistraux en amphis, donc plus de réussite c’est encore plus d’enseignants, etc… A priori l’équation est insoluble : former plus d’étudiants suppose d’augmenter les coûts.

Transformer le métier d'enseignant

Pour résoudre l’équation, les politiques ont utilisé tous les leviers classiques. On peut réduire les coûts en jouant sur les statuts et les salaires, mais en réalité c’est déjà le cas. À l'université, dans certaines filières, les enseignants titulaires représentent à peine 30% des équipes pédagogiques, faute de créations de postes en nombre suffisant. Quant aux rémunérations, entre le chargé de cours payé 40€ de l’heure et le PR classe exceptionnelle « hors échelle E » à 191€ de l’heure, l’écart est déjà substantiel. Et je ne parle là que du secteur public…

dimanche 27 septembre 2015

Universités : Fin de partie

« J’emploie les mots que tu m’as appris.
S’ils ne veulent plus rien dire apprends m’en d’autres.
Ou laisse-moi me taire.»
Samuel Beckett

Les méthodes de la communication politique sont toujours les mêmes. Pour engager la bataille contre le service public d’enseignement supérieur, Valérie Pécresse portait l’étendard de « l’autonomie  des universités ». Najat Vallaud Belkacem reprend le combat et cette fois le slogan sera la « démocratisation de l’université ».

Les déclarations de la ministre de l’éducation et de son secrétaire d’État à l’enseignement supérieur sur les masters sont claires : qu’importe la loi, « le master est un bloc », il n’y aura pas de sélection en master 2. Tout étudiant qui obtient le bac peut s’inscrire en licence pour un nombre illimité d’années. Ensuite, tout titulaire de la licence peut s’inscrire  en master 1 et pourra poursuivre ses études en master 2 sans limite de temps. Nous avions, à l’Université Paul Valéry, un étudiant un peu particulier, né comme moi en 1963, qui était toujours en master 1 à 52 ans ce qui causait quelques soucis. Faudra-t-il envisager d’avoir des étudiants « redoublant à vie » ? La politique de la démagogie et de l’hypocrisie que j’évoquais dans ma précédente chronique a gagné.

Démagogie ? Je sais que les politiques ont parfois la mémoire courte, mais, en novembre 2013, Mme Fioraso mentait sans vergogne devant l’Assemblée Nationale et proposait de réduire le nombre de masters dans mon université pour régler les problèmes financiers ; quel revirement !

jeudi 3 septembre 2015

Sélection en Master 2 Un problème juridique, pédagogique et politique

Un été agité ! Après le débat sur l’augmentation des droits d’inscription, c’est la question de la sélection en Master 2 qui est posée avec la multiplication des procédures contre les universités en cette fin d'été. Cette sélection pose un triple problème, juridique, pédagogique et politique.

Juridiquement il y a urgence. Au Sud de la Loire, la sélection est refusée ; au Nord, elle est admise. On se croit revenu au temps des pays de Coutume. En « Information-Communication » ou en « Management, marketing et TIC » point de sélection, en « Droit public- Droit des contrats » ou « Mathématiques – modélisation aléatoires » va pour la sélection ! Le tout en référé, c’est-à-dire de façon provisoire.

Des étudiants vont donc commencer des formations, ou en être écartés, avec le risque dans quelques mois d’être exclus, ou au contraire réintégrés. Avec quelles chances de réussite ? D’autres étudiants, en liste d’attente, ne seront pas appelés mais pourront, comme tous ceux qui n’ont pas été retenus, engager à leur tour des procédures en référé pour s’inscrire en cours d’année. Un contentieux de masse qui peut exploser dans les semaines ou les mois qui viennent. Pour toute réponse, les ministres concernés font de vagues annonces destinées à minorer la difficulté en affirmant qu’il s’agit d’un épiphénomène qui ne touche que certaines universités et certaines disciplines, management, droit et psychologie. La réalité est que toutes les disciplines sont concernées (dans mon université, Arts, LEA, Psycho, AES, Géographie-Environnement…) et toutes les universités le seront.

jeudi 23 juillet 2015

Business as usual et bonnes vacances!

Les lecteurs l'auront remarqué, après 5 mois de veille c'est reparti. Difficile de tenir un blog, cela prend du temps et j'en ai manqué. Et puis pour écrire il faut des sujets. Or il ne s'est pas passé grand chose ces 5 derniers mois. Après l'épisode du prélèvement sur les fonds de roulement, où le ministère a tenu bon malgré la pression des opposants, le SUP a été plongé dans une profonde torpeur.

Il y a bien eu la démission pour raisons médicales de Mme Fioraso après la découverte de son CV arrangé, mais la secrétaire d'État à l'enseignement supérieur et à la recherche avait déjà perdu toute crédibilité avant cet épisode. Elle inaugurait les chrysanthèmes quand Stéphane Le Foll faisait passer les amendements à la LRU2 dans une loi sur l'agriculture, sans y comprendre grand chose d'ailleurs.

Depuis, l'histoire se répète. Le crédit d'impôt recherche coûtera plus que prévu à l'État et ce n'est pas fini puisque le ministère de l'économie et des finances a même la bonne idée de "labelliser" les cabinets de conseils pour aider les entreprises dans leur optimisation fiscale !

mercredi 22 juillet 2015

Augmentation des effectifs dans les écoles de commerce : stratégie gagnante

Je publiais hier un commentaire sur l’interprétation que certains font, à tort, des statistiques sur l’évolution des inscriptions dans le « public » et le « privé » quand Educpros a sorti les résultats 2015 du SIGEM. Il m’a semblé intéressant de compléter mon propos d’hier au vu de ces résultats.

Educpros note qu’en 2015 toutes les places ouvertes dans les grandes écoles ne sont pas pourvues, mais plutôt que de partir des places « ouvertes » je me suis intéressé au nombre d’étudiants affectés dans les écoles sur la période 2012-2015. Et le constat est intéressant. Vous pouvez télécharger le document au format PDF ici, une image JPEG illustre la fin de cette note.

La stratégie de croissance des écoles de commerce fonctionne. Entre 2012 et 2015, 230 étudiants supplémentaires sont affectés dans les écoles par le SIGEM. Mais en réalité ce sont près de 600 étudiants supplémentaires qui ont été accueillis par les écoles partenaires du SIGEM en raison de la défection des écoles membres de France Business School. Toutefois, cette augmentation moyenne de 8% n’est pas significative car les stratégies des écoles sont très variables et on retrouve une critique que j’adressais hier aux statistiques globales du ministère.

mardi 21 juillet 2015

Public/Privé : deux stratégies pour un même objectif


« Désaffection de l’enseignement supérieur public », « augmentation très forte des effectifs dans le privé »… le débat reprend autour des relations public/privé dans l’enseignement supérieur. Certains exhument les statistiques sur les effectifs étudiants (pourtant publiées il y a bientôt 1 an) qui montrent une forte progression des effectifs dans l’enseignement supérieur privé. Ils l’opposent ensuite à une progression beaucoup plus faible dans l’enseignement supérieur public pour en tirer une conclusion : il y aurait une désaffection pour l’enseignement supérieur public. Autant le dire d’emblée : rien ne vient étayer cette affirmation.

Des statistiques à manier avec précaution

Il faut d’abord être très prudent sur les enseignements que l’on tire de ces statistiques. Les séries ne sont pas homogènes. Pour une année donnée, les chiffres varient selon l’édition. Les éditions 2006 et 2007 annoncent, par exemple, 1.424.536 étudiants inscrits à l’université en 2004-2005 quand l’édition 2013 en annonce 1.428.223. Certes la différence est faible (+0,26%), mais elle correspond aux évolutions constatées d’une année sur l’autre (-0,2% par rapport à l’année précédente, +0,2% l’année suivante) ce qui rend les comparaisons peu significatives.

Les rubriques elles-mêmes changent. L’édition 2007 signale ainsi, p. 172, que le champ du «supérieur » a été modifié et intègre des formations, notamment les « mastères » des écoles d’ingénieurs, et des formations du secteur « privé », qui n’étaient pas comptabilisées auparavant. Dans ce cas précis l’effet est une augmentation statistique des inscrits dans le « privé ».

dimanche 22 février 2015

Lettre ouverte au député socialiste qui m'a insulté


Mise à jour le 23 février 2015 : loin de s'excuser, le député Gagnaire a bloqué mon compte Twitter. Surtout ne pas rendre compte! Drôle de conception de la responsabilité pour un élu.


Mise à jour 22 février 2015, 22h45: le Who's Who vient de publier le tweet ci-dessous.


Monsieur le député Gagnaire, monsieur le vice-président de la région Rhône-Alpes

Hier, vous avez jugé bon de m’insulter copieusement sur les réseaux sociaux, me traitant successivement de beauf, de fat, puis, précision erronée (1), de fat « dans son acception provençale » c’est-à-dire, dans votre esprit, de « sot », tout en me menaçant de diffamation et en mettant en doute mon activité d’enseignant-chercheur.

mercredi 18 février 2015

COMUE: les personnels des organismes de recherche ne peuvent participer aux élections ès-qualités

La lecture des statuts des COMUEs réserve bien des surprises. On pourrait moquer les rédactions maladroites: depuis quand des établissements publics décident qu’une loi impérative s’applique «sous réserve des dispositions particulières prévues par les présents statuts », comme s'ils se situaient au-dessus de la loi ? Mais le principal problème n'est pas là.

Pour conclure le mariage forcé de la carpe et du lapin, les modalités de gouvernance des COMUEs sont souvent d'une complexité sans nom. Entre les collèges, les sous-collèges, les catégories et sous-catégories, les personnes désignées par les membres ou par la COMUE et j'en passe, les élections vont constituer un véritable casse-tête. Et la principale difficulté reste la question du vote des personnels des organismes de recherche. Pour une raison simple: la loi ne prévoit pas qu'ils participent ès-qualité aux élections.

L'article L718-2 du code de l'éducation précise que les COMUEs sont créées par «des établissements publics d'enseignement supérieur et par des organismes de recherche partenaires ». Il y a donc deux catégories d'institutions dans les COMUEs: les établissements d'enseignement supérieur et les organismes de recherche. Ces institutions peuvent désigner des représentants au conseil d'administration des COMUEs, comme le prévoit l'article L.718-11, 1° du code de l'éducation. Mais ces représentants sont désignés par les établissements ou les organismes membres ; ils ne sont pas élus.

dimanche 15 février 2015

Fonds de roulement (3) : Bercy, la Cour des comptes et l'entreprise de démolition des universités


La polémique sur les fonds de roulement n'est que la partie la plus visible du travail de sape mené contre les universités par les gouvernements successifs depuis Claude Allègre. Après la LRU de Valérie Pécresse et la LRU2 de Geneviève Fioraso, Manuel Valls et son gouvernement franchissent un palier supplémentaire dans cette entreprise de déstabilisation de l’enseignement supérieur public.

Tous les moyens sont bons, déclarations et analyses tronquées de la Cour des comptes, réponse fallacieuse du ministre des Finances, alliés objectifs de lobbies déchaînés, pour que, finalement, les universités, la grande masse des étudiants et la recherche fassent les frais des coupes budgétaires.

La Cour des comptes à la manoeuvre

La technique est éprouvée. Il s’agit d’abord de disqualifier le sujet en dénonçant ses turpides supposées et quoi de mieux pour cela qu’un « rapport » ou un « référé » de la Cour des comptes ? Malheureusement, la noble institution n’a pas échappé à la politisation des grands corps de contrôle qui sévit depuis une quinzaine d’années. Elle y a gagné en notoriété ce qu’elle a perdu en neutralité et en objectivité.

Rien n’est jamais faux dans ce qu’écrit la Cour, mais rien n’est tout à fait exact. L’analyse est tendancieuse, l’information parcellaire pour parvenir à démontrer la pertinence du postulat initial : la gabegie des services publics. Didier Migaud sait parfaitement comment fonctionnent les médias et, sans mentir, la Cour fera dire des mensonges à la presse. Une phrase choc dans le corps du texte sera reprise en boucle et la note en bas de page qui la contredit sera oubliée. Ce ne sera pas la faute de la Cour, mais celle des journalistes qui n’ont rien compris évidemment. Vous voulez un exemple ?

dimanche 8 février 2015

Fonds de roulement (2) : « La bourse ou la vie ? » enjeux d’une polémique

La polémique sur une éventuelle modulation des dotations des universités et des écoles en fonction de leurs fonds de roulement disponibles est repartie de plus belle. Depuis ma précédente chronique, le rapport de l’IGAENR a fuité dans la presse spécialisée, les grands argentiers de l’État y sont allés de leurs déclarations polémiques et les lobbies, CDEFI, CGE, CPU, auto-proclamées « universités de recherche » de leurs communiqués vengeurs.

Pour avoir une vision un peu plus objective de la situation je crois nécessaire de rappeler les enjeux de la polémique, avant de revenir plus en détail sur les arguments développés par les parties en présence.

Les enjeux de la polémique

Le projet du ministère de moduler la dotation 2015 des universités et des écoles répond à deux préoccupations, l’une concrète et l’autre plus théorique.

« Les postes ou les fonds de roulement »?

« La bourse ou la vie ? » disaient les bandits de grands chemins ; pour les universités aujourd’hui l’alternative c’est « Les postes ou les fonds de roulement ? ».

dimanche 25 janvier 2015

Fonds de roulement des universités: le nouvel écran de fumée du président de la CPU ?

Mais quelle mouche a bien pu piquer le président de la CPU?

Depuis quelques jours, le voici qui multiplie les déclarations avec ses vice-présidents, notamment Gérard Blanchard, président de l'université de La Rochelle, et le président de la très influente CDEFI ( "Conférence des Directeurs des Écoles Françaises d'Ingénieurs") pour s'inquiéter, et même qualifier "d'inepte", un éventuel prélèvement sur les fonds de roulement des universités et écoles d'ingénieurs en 2015. Pour une fois que l'on pouvait considérer que le ministère prenait une décision raisonnable face à la crise que connaissent les universités, Jean-Loup Salzmann crie au loup.

Selon l'AEF, qui a interrogé les différents acteurs sur le sujet, il s'agirait de moduler la dotation des universités et des écoles lorsque leurs "réserves" dépassent 120 jours de dépenses de l'établissement. En clair, au lieu de répartir uniformément la baisse des crédits 2015 sur toutes les universités et toutes les écoles, celles dont les "réserves" sont excessives recevraient une dotation beaucoup plus faible, ce qui permettrait de ne pas réduire d'autant la dotation des établissements en difficulté.

Certes, la mesure est conjoncturelle, mais de là à la qualifier "d'inepte" quand on s'est dit "soulagé" par les coupes budgétaires dans la loi de Finances pour 2015, il y a de la marge! La prise en compte des fonds de roulement excessifs a le mérite de limiter les effets délétères des suppressions de crédits votées par le Parlement et elle ne concerne presque pas les universités! En 2013, seules 2 universités sur 77 avaient un fonds de roulement supérieur à 120 jours, près de la moitié étaient à peine à 30 jours de fonds de roulement et 6 étaient en dessous du seuil réglementaire de 15 jours (dont l'université présidée par Jean-Loup Salzmann).

Bref, et c'est là que l'on ne comprend pas le président de la CPU et ses amis, non seulement les universités ne sont quasiment pas concernées par la mesure, mais elles vont en tirer avantage puisque leur dotation sera un peu moins réduite! Et il y a même une certaine équité dans cette mesure.

mercredi 21 janvier 2015

Ensemble, les sénateurs socialistes et UMP votent la régionalisation de l’enseignement supérieur et de la recherche

Mise à jour 21 février 2015 : l'Assemblée Nationale a supprimé vendredi l'amendement contesté. Les Régions n'approuveront pas la carte des formations supérieures et de la recherche.
Prochaine étape, la commission mixte paritaire.


Pendant que François Hollande s’occupait de distraire la galerie en présentant des vœux pleins de belles paroles au monde éducatif, un sénateur socialiste, M. Vandierendonck, et un sénateur UMP, M. Hyest, faisaient de conserve voter par amendement, en toute discrétion, la régionalisation des formations de l’enseignement supérieur. Désormais, comme l’indiquent les deux sénateurs co-auteurs de l’amendement, « la région [aura] un rôle d’approbation de la carte des formations supérieures et de la recherche ».

Les régions pourront donc s’opposer à l’ouverture ou au maintien d’une formation ou bien encore, elles pourront confier telle formation à tel établissement, public ou privé, plutôt qu’à tel autre. Cette décision me scandalise pour trois raisons.


D’abord la méthode. Depuis l’élection de François Hollande, c’est dans la confusion et l’opacité que se joue l’avenir de l’enseignement supérieur et de la recherche en France. Après avoir voté une LRU2 truffée d’erreurs (cf mes précédentes chroniques ici, et ), avoir transformé les COMUEs dans une loi consacrée à l’agriculture, c’est une nouvelle fois par voie d’amendement à une loi « relative à la Nouvelle Organisation territoriale de la République » que l’on modifie sur un point fondamental l’enseignement supérieur en France, sans consultation, sans débat, sans évaluation. Le mépris est immense, l’intrigue détestable.

lundi 12 janvier 2015

Le jour où la France se souvint des SHS


La France vient de vivre un drame abominable. Des hommes et des femmes ont été tués pour ce qu’ils étaient, des caricaturistes, des journalistes, des libertaires, des juifs, des policiers. De simples citoyens aussi ont été les victimes de cette violence qui était tout sauf aveugle.

Qu’avons nous vu ensuite ? Une mobilisation populaire sans précédent pour exprimer une solidarité, l'attachement à la Liberté d'expression, un sentiment de révolte devant tant d'horreur. Mais on a vu aussi un besoin d’explication, de compréhension de ce drame. Partout, dans la presse ou sur les réseaux sociaux, on s’est interrogé.

Alors, on a questionné les sociologues, consulté les criminologues, sérieux ou auto-proclamés d'ailleurs, écouté les juristes. On interpelle les artistes, peintres dessinateurs, écrivains pour qu'ils mettent des mots, des images sur nos émotions. On sollicite l’avis des psychologues, des historiens, on recueille le point de vue des spécialistes des religions, de la géopolitique, bref… on redécouvre l’immense nécessité de la recherche en Sciences Humaines et Sociales.

Ce soir, sur les réseaux sociaux, la ministre de l'Éducation, la secrétaire d’État à l'Enseignement Supérieur et à la Recherche et le président de la CPU appellent à une « mobilisation du sup pour les valeurs de la République » ou à une « grande mobilisation de l’école et de l’enseignement supérieur pour les valeurs de la République ».


Peut-être même sont-ils sincères tous ces élus, mais vous m’excuserez d’en douter. Najat Vallaud-Belkacem comme avant elle Geneviève Fioraso, Laurent Wauquiez ou Valérie Pécresse ont foulé aux pieds et méprisé les sciences humaines et sociales qui sont au cœur de la réflexion sur les valeurs de la République.

samedi 3 janvier 2015

Bonne Année?!




"L’honneur est ce bien moral conquis dans la lutte
et qui permet à la fois d’acquérir la considération d’autrui
et de conserver sa propre estime." 


Geneviève Fioraso vient de présenter ses voeux pour l'année 2015 sous la forme d'une carte sur Twitter et d'une animation Flash® sur le site du ministère.

Si Najat Vallaud Belkacem a pris soin de dédier les siens "à tous les personnels du ministère de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, aux élèves et étudiants, aux parents d'élèves et aux collectivités", Mme Fioraso ne s'est pas donnée cette peine. Pas un mot pour les personnels ou pour les étudiants, Mme Fioraso présente ses voeux à la cantonade!

La carte de voeux elle-même est révélatrice des centres d'intérêts, ou plutôt du désintérêt manifeste de Mme Fioraso pour certaines disciplines et certains acteurs de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Pas une image d'étudiant, pas une image d'université, pas une image illustrant les Sciences Humaines et sociales. Cette carte de voeux est à l'image de la politique clientéliste de Mme Fioraso.

Ô bien entendu, il y a Rosetta, une scène chirurgicale - que l'on imagine être celle du coeur Carmat - et une voiturette qui ressemble à celles que fabriquait Heuliez, si chère à l'ancienne présidente de la région Poitou-Charentes, avant sa fermeture en 2013... Et puis il y a le nucléaire, l'agro-alimentaire, les nano-technologies, les transports... bref tous ces lobbies que Geneviève Fioraso soutient avec constance depuis bientôt trois ans et qui, il est vrai, le lui rendent bien. Des voeux à la cantonade donc, mais des voeux entre amis, entre copains.

On pourra se consoler en se disant que tout cela n'a pas du coûter bien cher. La composition est vieillotte, pas "innovante" pour deux sous, et les images ont l'air piquées un peu au hasard dans les pages "actualités" du site du ministère ou sur Internet, ici pour l'image de Rosetta, pour le grand collisionneur du CERN . Ça fait cheap et bâclé entre la lecture de deux vidéos sur Youtube.

Et puis il y a cette phrase d'Hubert Curien. Je la trouve terriblement creuse, mais bon! La phrase se trouve gravée sur les murs d'une salle au Ministère de la recherche et elle était sur la page de garde de la plaquette d'hommage que Geneviève Fioraso a préfacé en septembre 2012! Pas compliquée à retrouver donc. "Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme"...

Anecdote me direz-vous? Pas tant que ça. C'est comme "l'affaire Piketty"et cette Légion d'honneur que Mme Fioraso propose d'autorité, sans se soucier de l'avis de l'intéressé. Ceux qui connaissent le processus conduisant à l'attribution d'une distinction honorifique savent que l'on se renseigne sur l'état d'esprit du futur bénéficiaire! J'ai un grand respect pour ces distinctions qui constituent, de mon point de vue, une des rares façon d'exprimer la reconnaissance de la Nation, mais je comprends aussi qu'une personne ne souhaite pas être ainsi distinguée. Si l'on veut rendre hommage à quelqu'un, la moindre de chose est de s'assurer avant que cet hommage sera bien reçu comme tel par le bénéficiaire. Mais non ; Geneviève Fioraso n'en a cure et offre à Stéphane Le Foll l'occasion de dire une nouvelle fois tout le mépris qu'il a pour les chercheurs : ""qui a des idées intéressantes mais qui est chercheur, qui est dans son bureau, qui fait des calculs, qui a comme responsabilité une démarche intellectuelle et puis la politique qui est confrontée à la réalité" (résumé ici)

Après une année 2012 où Geneviève Fioraso avait exprimé son mépris pour les universités, une année 2013 où la même ministre avait fait la démonstration de son incompétence avec le vote de la LRU2, une année 2014 absolument catastrophique qui se solde par 1 milliard d'euros de crédits supprimés dans l'enseignement supérieur et la recherche, un clientélisme forcené et une incompétence jamais démentie, 2015 commence en Fanfare!

Je vous souhaite à toutes et à tous... beaucoup de courage ; il en faudra.