Pour conclure le mariage forcé de la carpe et du lapin, les modalités de gouvernance des COMUEs sont souvent d'une complexité sans nom. Entre les collèges, les sous-collèges, les catégories et sous-catégories, les personnes désignées par les membres ou par la COMUE et j'en passe, les élections vont constituer un véritable casse-tête. Et la principale difficulté reste la question du vote des personnels des organismes de recherche. Pour une raison simple: la loi ne prévoit pas qu'ils participent ès-qualité aux élections.
L'article L718-2 du code de l'éducation précise que les COMUEs sont créées par «des établissements publics d'enseignement supérieur et par des organismes de recherche partenaires ». Il y a donc deux catégories d'institutions dans les COMUEs: les établissements d'enseignement supérieur et les organismes de recherche. Ces institutions peuvent désigner des représentants au conseil d'administration des COMUEs, comme le prévoit l'article L.718-11, 1° du code de l'éducation. Mais ces représentants sont désignés par les établissements ou les organismes membres ; ils ne sont pas élus.
C'est l'article L.718-11, 4° à 6° qui fixe la représentation par des élus, « enseignants-chercheurs, enseignants et chercheurs » pour le 4°, « autres personnels » (on ne parle plus des personnels administratifs) pour le 5°, « usagers » pour le 6°. Or pour ces trois catégories d'élus, seul le rattachement à un établissement, et non leur appartenance à un organisme, est pris en compte. Si c'est une évidence pour les étudiants, pour les personnels, qu'ils soient chercheurs ou personnels administratifs, ils ne votent que dans la mesure où ils « exercent leurs fonctions dans la COMUE ou dans un établissement membre ».
Les personnels des organismes de recherche ne sont donc pas exclus du processus démocratique, mais c'est à travers les universités, écoles et instituts avec lesquels ils collaborent localement qu'ils exercent leurs droits. Les articles L.952-24 et D.719-12 précisent les conditions requises pour figurer sur les listes électorales. Les chercheurs titulaires sont électeurs, soit s’ils sont « affectés à une unité de recherche» « rattachée à titre principal en application du contrat pluriannuel» à une université, une École ou un Institut, soit s’ils assurent au moins 64 heures d’enseignement dans cet établissement. Les chercheurs contractuels sont électeurs s’ils effectuent 64 heures d’enseignement au moins et les docteurs s’ils ont une activité de recherche à temps plein dans une unité rattachée à titre principal à l’établissement d’enseignement supérieur. L'ingénieur CNRS qui n'exerce pas ses fonctions dans un laboratoire rattaché à titre principal à une université n'est donc ni électeur ni, bien entendu, éligible.
Et pour être tout à fait clair, cette rédaction n'est pas une maladresse. Le code de l'éducation dresse la liste des établissements d'enseignement supérieur et de recherche dans le livre VII de sa troisième partie et les organismes de recherche n'y figurent pas. Les débats parlementaires sur la loi Fioraso, que j'ai pris la peine de relire, distinguent bien les deux sortes d'institutions et la question de la participation des organismes de recherche aux COMUEs est même évoquée par le député Jean-Yves Le Déaut. C'est donc en toute conscience et pour des raisons évidentes que les personnels des organismes n'ont pas été intégrés ès-qualités au corps électoral des COMUEs. Les organismes de recherche s'inscrivent dans une dynamique nationale et non régionale comme les COMUEs. La localisation des agents ne reflète donc pas nécessairement une implication dans une stratégie locale de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Toutes les COMUEs ne comptent pas des organismes de recherche parmi leurs membres. Dans celles qui sont constituées avec des organismes de recherche, plusieurs respectent la loi. C'est le cas, par exemple, de la COMUE Université de Lyon dont les statuts (article 4, 4°) limitent le corps électoral aux personnels des établissements membres. C'est le cas également de la COMUE Université Paris Lumière dont les statuts précisent les conditions dans lesquels les chercheurs des organismes sont rattachés à une des universités membres (art.8).
D'autres COMUEs, en revanche, se dispensent avec plus ou moins de finesse de respecter la loi. Et, hasard évidemment, ils s’agit des plus emblématiques et des plus proches du pouvoir.
La COMUE Grenoble-Alpes prévoit dans son article 11 que le conseil d'administration compte 14 représentants des enseignants-chercheurs, enseignants et chercheurs et 6 représentants des autres personnels exerçant « dans la COMUE ou dans les établissements membres ou organismes membres». La contradiction avec les termes de l'article L.718-11, 4° et 5° est explicite et ces dispositions sont totalement illégales. On notera, au passage, s'il fallait encore une preuve supplémentaire, que pour contourner la loi il faut ajouter « organismes membres » au texte impératif de l'article L.718-11 du code de l'Éducation. Or il n'est pas possible d'élargir le collège électoral au-delà de ce que prévoit la loi.
D'autres COMUEs, en revanche, se dispensent avec plus ou moins de finesse de respecter la loi. Et, hasard évidemment, ils s’agit des plus emblématiques et des plus proches du pouvoir.
La COMUE Grenoble-Alpes prévoit dans son article 11 que le conseil d'administration compte 14 représentants des enseignants-chercheurs, enseignants et chercheurs et 6 représentants des autres personnels exerçant « dans la COMUE ou dans les établissements membres ou organismes membres». La contradiction avec les termes de l'article L.718-11, 4° et 5° est explicite et ces dispositions sont totalement illégales. On notera, au passage, s'il fallait encore une preuve supplémentaire, que pour contourner la loi il faut ajouter « organismes membres » au texte impératif de l'article L.718-11 du code de l'Éducation. Or il n'est pas possible d'élargir le collège électoral au-delà de ce que prévoit la loi.
Alors il y a les petits malins, dont les statuts n’évoquent ni les établissements, ni les organismes mais seulement les « membres » sans autre précision. C’est le cas de la COMUE Université Paris-Saclay dans son article 9.1 ou de la COMUE Sorbonne Paris-Cité dirigée par l’inoxydable Jean-Yves Mérindol (art. 7.1, 4°). Rien d’illégal a priori dans ces statuts, seulement ces deux COMUEs comptent des organismes de recherche parmi leurs membres.
Et, à Paris-Saclay comme à Sorbonne Paris-Cité, les statuts prévoient bien que les personnels des organismes peuvent être électeurs et éligibles (article 8 al. 3 des statuts de Paris-Saclay et et 7,1, 4° de ceux de Sorbonne Paris-Cité). Ces statuts sont donc tout aussi illégaux que ceux de la COMUE Grenoble-Alpes.
Quelles sont les conséquences pour les COMUEs qui n'ont pas respecté la loi Fioraso? Ces statuts ayant été publiés au mois de décembre, il est encore possible pour quelques jours de saisir le juge administratif pour qu'il se prononce sur leur légalité. Ainsi tout le monde sera fixé. Après? et bien ce sont les listes électorales, puis les élections qui peuvent être contestées. La procédure est un peu plus délicate, il faut passer par un recours préalable, mais rien de bien compliqué.
Une dernière question reste posée: pourquoi certaines COMUEs où l'ont retrouve les acteurs les plus proches du ministère ont ainsi, et de façon aussi évidente, décidé de contourner la loi? Les présidents de ces COMUEs et des universités qui y participent nous le diront peut-être. A moins que la DGESIP nous le dise...
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