dimanche 28 octobre 2018

EdTech : Cerbère aux enfers

Amphitryon
« Tu es donc allé vraiment dans le palais d'Hadès, ô mon fils ? »

Héraclès
« Oui, et j'ai amené à la lumière le monstre à trois têtes. »

Euripide, La folie d’Héraclès


L’annonce par Youtube d’un investissement de 20M$ dans une chaîne éducative pourrait passer pour une nouvelle illustration de l’appétit des investisseurs pour la Edtech, mais c’est surtout une opération de communication destinée à redorer l’image bien écornée des GAFA. À travers l’éducation, Youtube se positionne comme un acteur participant à une mission de service public. En cela cette opération est exemplaire des nouveaux enjeux de la EdTech.

À force d’optimisation fiscale, de mépris pour la vie privée et les données personnelles, de « disruption » déguisant mal la violation assumée de tout cadre légal, les acteurs du numérique trainent une image « d’entreprises voyous ». Dans la société de « modernité tardive » (je ne me résous pas à parler de « post-modernité » et j’empreinte toujours à Jock Young la terminologie), l’enjeu est double pour ces acteurs : recréer de la confiance et obtenir un avantage concurrentiel. On voit ainsi émerger une nouvelle organisation du mobile de Calder que nous décrivions dans notre première chronique autour de trois pôles : un pôle non lucratif, un pôle lucratif et un pôle d’expertise.

samedi 20 octobre 2018

Parcoursup, la machine à exclure


Le ministère vient de publier les données relatives à Parcoursup. On peut enfin comparer et évaluer la réforme par rapport à APB. Il faut toutefois être vigilant : les deux documents (APB 2017 et Parcoursup 2018) ne présentent pas exactement les mêmes données et le commentaire relatif à Parcoursup est… optimiste. Il faut donc consulter les tableaux des données accessibles ici pour APB et pour Parcoursup et parfois reconstituer les données sources pour Parcoursup car elles ne sont pas fournies.

Le constat est sans appel : Parcoursup s’avère pire qu’APB. C'est un processus d'exclusion sociale à grande échelle. Comme nous l’avions prédit, Parcoursup est anxiogène, il ne répond pas aux attentes des candidat.e.s et il est très stigmatisant, décourageant bien des candidat.e.s. Avant de le montrer, une remarque liminaire : à en croire ces documents, le bac a été moins sélectif. Il y avait 21.196 candidats supplémentaires cette année par rapport à l’année dernière et il y a 22.855 bacheliers supplémentaires. C'était le seul handicap supplémentaire que Parcoursup devait gérer.

lundi 8 octobre 2018

EdTech : le syndrome du sang bleu


A gauche un cours de théologie à la Sorbonne (source), à droite un cours de management dans le HBX Studio de Harvard. 5 siècles séparent ces deux images et rien n’a fondamentalement changé: un prof parle à des élèves. De la Sorbonne de 1490 à celle de Parcoursup, le même schéma se perpétue et se renforce même ; un prof dispense un cours dont il a défini le contenu, le rythme, les attendus, les résultats. En quoi consistent réellement les innovations tant vantées des startups de la Edtech ? Peu de choses en réalité. On peut les classer en 3 catégories.

La première regroupe les plus nombreuses, celles qui prétendent « simplifier » l’enseignement par le digital. Plus prosaïquement il s’agit d’en réduire le coût. Cours en ligne, Mooc, Spooc, Cooc, « tutorat », « mentorat » et j’en passe, ne font que reproduire des schémas millénaires sans autre innovation que leur numérisation. Elles arrivent sur un « marché » déjà bien saturé où la concurrence est rude avec les grands groupes d’écoles privées qui se sont constitués dans les années 80/90. Elles simplifient l’accès à l’enseignement, à toute heure du jour ou de la nuit, sans déplacement, permettant à la fois de le massifier et de le fractionner, mais leurs résultats sont souvent médiocres. Elles font moins bien que l’enseignement en présentiel. Rares sont celles qui se risquent à repenser le modèle pédagogique et c’est tant mieux quand on voit le résultat de ces « boites à tutos » que je décrivais dans la chronique précédente.