lundi 13 octobre 2014

Prix Nobel : le grand ratage de "l'excellence"

Chaque année, la société Thomson Reuters se fait fort de prédire les prix Nobel. Elle aurait ainsi "prédit" le nom de 35 lauréats du prix Nobel depuis 2002. On pourrait sourire de cet exercice divinatoire qui rapproche les sciences "dures" des sciences "molles", Web of Sciences® des travaux sociologiques d'Elisabeth Tessier. Mais comme il s'agit de sciences "dures" justement, Thomson Reuters prétend avoir une démarche SCIENTIFIQUE! La société affirme pouvoir découvrir les lauréats potentiels à partir des citations dans les revues scientifiques classées et c'est à partir de la base de données Web of Sciences® que la prédiction est construite ; excusez du peu!

Pour ceux qui ne connaissent pas Web of Sciences®, il s'agit de cette base de donnée exploitée par Elsevier®, une des trois "majors" de l'édition scientifique avec Springer® et Wiley®. En caricaturant à peine, on pourrait définir l'activité de ces "éditeurs" comme consistant à faire payer les chercheurs pour qu'ils publient avant de faire payer les autres chercheurs pour lire lesdites publications!

jeudi 9 octobre 2014

OÙ EST CHARLIE? La "République exemplaire" a du plomb dans l'aile



La République exemplaire de François Hollande et Manuel Valls tourne à la pantalonnade. Alors que, selon un décret du 1er août, Geneviève Fioraso "ne connaît pas des actes de toute nature intéressant la direction de la recherche technologique du Commissariat à l'énergie atomique", la voici devant le stand du LETI, la branche micro et nano-technologies du CEA inaugurant en grande pompe et sous le regard des caméras et des journalistes le salon SEMICON Europa à Grenoble le 7 octobre. Et cela ne semble pas émouvoir grand monde au gouvernement ou au Parti Socialiste!

Pourtant, SEMICON EUROPA n'est pas un salon scientifique. C'est un évènement commercial organisé par le SEMI®  (pour Semiconductor Equipment and Materials International), un groupement qui se présente lui-même comme "the Voice of the Industry" destiné à promouvoir le commerce des micro et nano-technologies ; un lobby, quoi.

SEMI® déclare regrouper 1.900 entreprises adhérentes à qui elle promet "plus de croissance et de rentabilité". Pour y parvenir, SEMI® intervient auprès des responsables politiques afin d'orienter leurs décisions dans un sens favorable aux intérêts de la profession. C'est ainsi que SEMI® fixe au nombre de ses objectifs : "Advocacy and action on policies and regulations that encourage business growth". Et ce lobby d'expliquer que, dans le domaine de l'environnement par exemple, il faut des règles souples décidées par les professionnels de l'industrie plutôt que des règlementations étatiques... ben voyons! Mais Mme Fioraso nous dira certainement qu'elle aime l'environnement, l'écologie, le développement durable comme elle aime les SHS... Il y a de quoi s'inquiéter. 

Et si ce n'est pas assez clair, voici ce que déclare encore SEMI Europe sur son site : "EU rules and regulations can be difficult to understand and implement and sometimes they place an additional burden that slows down our fast-moving industry. To help keep our industry competitive on a global scale, SEMI Europe is committed to public policy — maintaining a Brussels office, which advocates for the SEMI members early in the decision-making process, so that final decisions reflect a balanced approach that keeps the needs of our industry protected." Je ne crois pas nécessaire de traduire ces propos.

Manifestement le lobbying de SEMI® est efficace puisque, de longue date, Mme Fioraso accompagne leur action. On la retrouve d'ailleurs sur une photo de 2009 en compagnie des représentants de la SEMI® et du patron de SOITEC (également présent en bonne place le 7 octobre) lorsqu'elle était PDG de la société d'économie mixte MINATEC Entreprise créée par Michel Destot.

Minatec Entreprise où est installé le LETI, la branche micro et nano technologies du CEA... que l'on retrouve également dans le reportage diffusé par France3.
capture d'écran du reportage France3 avec Mme Fioraso sur le stand du CEA

Et voici donc Charlie qui ne doit pas intervenir dans les actes de toute nature intéressant la direction de la recherche technologique du CEA qui fait la pub du CEA et du lobby des industries des semi-conducteurs. "On le voulait depuis 10 ans" déclare-t-elle dans le reportage de France3 (à partir de 23''). Michel Destot et elle peut-être, moi certainement pas.

En réalité, la grande différence entre Geneviève Fioraso et d'anciens membres du gouvernement dont le manque de délicatesse ou les fraudes ont été sanctionnées, c'est que notre secrétaire d'État assume au grand jour ses compromissions. C'est peut-être ça les valeurs de l'enseignement supérieur et de la Recherche pour François Hollande et Manuel Valls ; définitivement ce ne sont pas les miennes.

mercredi 8 octobre 2014

Autonomie des universités : un processus volontaire de destruction des emplois


Nos deux ministres ont gratifié les lecteurs de déclarations assez surréalistes ces dernières semaines. La ministre déchue a d’abord expliqué au Parlement qu’il suffisait de renvoyer les présidents d’universités à l’école et de former « les équipes de gouvernance » pour supprimer les déficits avant de justifier par les aléas démographiques la baisse historique des recrutements que nous évoquions au mois de juin sur ce blog ! Quant à la ministre promue, elle affirmait à Educpro que les postes gelés avaient bien été créés… Triste spectacle.

Plutôt que de s'amuser à de telles balivernes, pourquoi nos deux duettistes ne commencent pas par expliquer, tout simplement, la vérité? Avec la LRU, Valérie Pécresse a supprimé des postes par centaines dans les universités.

La LRU consiste à transformer les universités en « opérateurs » de l'État comme MétéoFrance, l'ADEME ou CampusFrance et à leur transférer la masse salariale et les emplois à travers les RCE. Sur le papier les universités doivent acquérir une indépendance nouvelle par rapport à l'État et recevoir une subvention pour financer les missions de service public dont elles ont la charge.

En réalité, n'en déplaise à Terra Nova qui affirme que le problème ce n'est pas « l'autonomie » mais sa mise en oeuvre avec un budget contraint, dès l'origine cette loi et son corollaire les « RCE » (responsabilités et compétences élargies), sont destinés à mettre les universités en difficulté pour supprimer des emplois publics.