Mise à jour 21 février 2015 : l'Assemblée Nationale a supprimé vendredi l'amendement contesté. Les Régions n'approuveront pas la carte des formations supérieures et de la recherche.
Prochaine étape, la commission mixte paritaire.
Pendant que François Hollande s’occupait de distraire la galerie en présentant des vœux pleins de belles paroles au monde éducatif, un sénateur socialiste, M. Vandierendonck, et un sénateur UMP, M. Hyest, faisaient de conserve voter par amendement, en toute discrétion, la régionalisation des formations de l’enseignement supérieur. Désormais, comme l’indiquent les deux sénateurs co-auteurs de l’amendement, « la région [aura] un rôle d’approbation de la carte des formations supérieures et de la recherche ».
Prochaine étape, la commission mixte paritaire.
Pendant que François Hollande s’occupait de distraire la galerie en présentant des vœux pleins de belles paroles au monde éducatif, un sénateur socialiste, M. Vandierendonck, et un sénateur UMP, M. Hyest, faisaient de conserve voter par amendement, en toute discrétion, la régionalisation des formations de l’enseignement supérieur. Désormais, comme l’indiquent les deux sénateurs co-auteurs de l’amendement, « la région [aura] un rôle d’approbation de la carte des formations supérieures et de la recherche ».
Les régions pourront donc s’opposer à l’ouverture ou au maintien d’une formation ou bien encore, elles pourront confier telle formation à tel établissement, public ou privé, plutôt qu’à tel autre. Cette décision me scandalise pour trois raisons.
D’abord la méthode. Depuis l’élection de François Hollande, c’est dans la confusion et l’opacité que se joue l’avenir de l’enseignement supérieur et de la recherche en France. Après avoir voté une LRU2 truffée d’erreurs (cf mes précédentes chroniques ici, là et là), avoir transformé les COMUEs dans une loi consacrée à l’agriculture, c’est une nouvelle fois par voie d’amendement à une loi « relative à la Nouvelle Organisation territoriale de la République » que l’on modifie sur un point fondamental l’enseignement supérieur en France, sans consultation, sans débat, sans évaluation. Le mépris est immense, l’intrigue détestable.
Ensuite le fond. Alors que l’on met en avant l’excellence et le rayonnement international des formations, on confie des pouvoirs aux régions qui restent le pire rouage administratif que nous ayons créé, coûteux, d’une rare inefficacité et terriblement clientélisme. Nous sommes bien loin des États fédérés américains ou des Länder allemands qui obsèdent les Aghion, Terra Nova ou "groupe Marc Bloch". La principale activité des régions ces dernières années a consisté à se faire concurrence avec un esprit de clocher affligeant et à couvrir le territoire de panneaux publicitaires « Ici la région investit » ou à se battre pour apposer leur logo ici ou là. Il est navrant que l’enseignement supérieur français, aujourd’hui de qualité, soit demain soumis à cette concurrence malsaine.
La régionalisation des formations votée par le Sénat traduit une vision étriquée de l’enseignement supérieur et de la recherche. L’enseignement supérieur et la recherche sont aux antipodes de cet esprit de clocher qui mobilise les régions autour de « leurs priorités ». Comment, par exemple, faire émerger un projet d’excellence comme les Instituts Franco-Chinois de formation dans un cadre régional alors que les partenaires sont disséminés sur tout le territoire national ?
L’enseignement supérieur français a beaucoup d’atouts à l’international et le cadre national des formations est un des plus importants. En Asie, en Afrique, en Amérique du Sud, les étudiants, les employeurs, recherchent cette certification nationale. Certes, elle ne disparaît pas encore, mais l’amendement déposé et voté par le PS et l’UMP est la première étape qui conduit à la régionalisation des diplômes.
En outre, ce vote ouvre la voie à la privatisation et à la remise en cause à très brève échéance du service public de l’enseignement supérieur avec le risque évident d’une augmentation massive des coûts de formation dans les secteurs qui seront laissés au privé, au choix des régions.
Je ne pense pas ici aux grandes écoles d’ingénieurs ou de management, mais à toutes ces petites structures de formation aux « certificats » douteux qui fleurissent dans les régions et survivent à coup de subventions régionales que ce soit dans le secteur sanitaire ou social, le tourisme, l’hôtellerie, la communication ou la gestion.
Car, et c’est le dernier point qui me choque dans cette réforme, le clientélisme de Geneviève Fioraso que je dénonce dans mes chroniques depuis près de trois ans trouve sa source dans les politiques régionales. Le "système Destot", cette imbrication d’intérêts publics et privés, où les mêmes personnes sont tour à tour salariées ou actionnaires d’un établissement avant ou après avoir été des élues subventionnant le même établissement est à l’œuvre dans presque toutes les régions.
Le résultat est une politique clientéliste que j’avais dénoncé, déjà, lors des assises de l’enseignement supérieur. J’avais pris à l’époque l’exemple des projets « innovants » financés par ma région, mais on pourrait dire la même chose probablement de toutes les régions françaises. En quoi consistait l’innovation régionale ? Et bien c’était un inventaire à la Prévert dans lequel il était parfois difficile de comprendre quel pouvait être l’intérêt économique ou national. Il y avait « Xut » la boisson énergisante à la spiruline « pour les sportifs catalans », un nouveau modèle de Tong à Argelès sur Mer (ville dont feu l’ancien président de région était proche), une station d’épuration fonctionnant avec des lombrics, un nouveau système de détection de touche pour la pêche à la ligne, ou une nouvelle méthode pour capturer les poissons tropicaux pour les aquariums… autant de projets surréalistes abandonnés ou moribonds quelques années après.
Pour l'instant, seul le Sénat a voté et le texte devra encore être discuté par les députés. Mais le Parti Socialiste et l'UMP étant d'accord pour l'imposer, il y a peu de chance que l'on revienne à la raison. Les universités avaient réussi à survivre, difficilement, aux 5 années de présidence de Nicolas Sarkozy ; je crains qu’elles ne puissent pas se remettre, et la recherche avec elles, des 5 ans de présidence de François Hollande.
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