C’est
encore une de ces annonces de l’été, un arrêté de 5 lignes du 16 juillet signé
Benoît Hamon et publié au JO du 31 juillet. Franchement ! Qui va lire le
JO le 31 juillet ? Et pourtant ! Quelques jours seulement avant les
vacances officielles du Gouvernement, le MENESR déclare « inutile au ministère » et « déclassé du domaine public de l’État »
un « terrain désaffecté ». A
lire cette décision, on imagine une parcelle pleine de ronces et d’herbes
folles, comme ces « trois parcelles situées Cataran et Aillaud à
Champcella » que le TGI de Gap met en vente à 187,76 €. Mais l’adresse retient l’attention : 4 rue de Lille, Paris 7ème.
Rue de Lille ; en plein cœur de l’arrondissement
le plus cher de la capitale, où le prix moyen au m2 dépasse les 14.000 € et où
il peut flamber jusqu’à plus de 20.000 €. Alors on va voir de plus près ce
« terrain désaffecté »
plein de ronces et d’herbes folles sur Google Map© ; voici le résultat.
source : google map
Le 4
rue de Lille, c’est l’ancienne bibliothèque interuniversitaire des Langues
Orientales, la BU de l’INALCO. Un immeuble à l’architecture classique, sur 6 ou
7 étages ; un bien « de prestige » comme on dit dans
l’immobilier. La surface totale cadastrée est de plus de 1400 m2, mais l’arrêté
ne porte que sur environ 400 m2, le reste étant probablement déjà chez France-Domaine. À 14.000 € du m2, rien que ces 400 m2 de parcelle
cela fait près de 6 millions d’euros. Et si on multiplie par le nombre
d’étages, on arrive à plus de 35
millions d’euros…
L’affaire
est rondement menée puisque la vente est déjà annoncée sur le site de France-Domaine,
sans descriptif sinon un laconique « bureaux ». Elle devrait se conclure rapidement (un acheteur est-il déjà
pressenti ?) puisqu’il est prévu de finaliser la cession en 2014 alors que
d’autres locaux du MESR déjà présentés depuis des semaines ne sont prévus à la
vente qu’en 2015, comme le 69 quai d’Orsay, qui abritait il y a peu encore le
CNOUS et l’OFCE (une belle adresse également et un bel immeuble contemporain) ou le 40 avenue d’Iéna dans le 16ème arrondissement qui abritait l’Institut de recherche et d’histoire des textes du CNRS et sa bibliothèque (décidément…).
Si
j’aime les vieilles demeures, je ne suis pas hostile par principe à ces opérations immobilières. S’agissant de la bibliothèque de l’INALCO, déjà en
2005, le CNE (le prédécesseur de l’AERES, en mieux, en moins cher, en moins idéologue et en moins prétentieux)
dénonçait le manque de surfaces disponibles et les conditions déplorables de
conservation des documents. Depuis, la BU a été absorbée par la BULAC, la
Bibliothèque universitaire des langues et civilisations installée dans la ZAC
Tolbiac dans le 13ème arrondissement. Nombreux étaient ceux qui vantaient ce déménagement et cette fusion des bibliothèques près d'établissements prestigieux comme l'université Paris 7 Diderot... jusqu'à ces manifestations des étudiants de l'INALCO au mois d'avril dernier qui ne peuvent plus accéder à la bibliothèques faute de places réservées. Un problème que l'on connait dans d'autres bibliothèque où, là aussi, les LLASHS sont progressivement mises à la porte.
En
fait, dès lors que le déménagement a eu lieu et que la vente est annoncée, la seule question qui compte lorsque l’on voit les centaines de millions d’euros
de patrimoine proposés à France-Domaine par M. Hamon, c’est : combien France-Domaine va-t-elle
retirer de ces cessions et où va aller cet argent ?
À Bercy? Au ministère de l'éducation nationale? S’agissant
de bâtiments universitaires ou de recherche, c’est aux universités, au CNOUS et
au CNRS que ces crédits devraient être reversés. Cela pourrait par exemple
donner l’occasion à Mme Fioraso et à M. Hamon de tenir les promesses faites à
mon université de financer les travaux de mise en sécurité dont j’ai parlé dans
une précédente chronique. Phaïstos c’est beau M. Hamon, mais pour enseigner, il
vaut mieux des murs debout qui ne risquent pas d'écraser des étudiants ou des personnels plutôt que des ruines dégagées de la terre. Et pour pouvoir comprendre le sens
de ces ruines, il vaut mieux des bibliothèques et des centres de recherche où
le savoir se transmet plutôt que des opérations de fusion qui mettent les étudiants et les chercheurs à la porte.
Bonnes vacances M. le ministre.
site de Phaistos - Crète
OFCE et CNOUS sont toujours au 69 Quai d'Orsay.
RépondreSupprimerBonjour et merci pour l'information, mais la vente est bien prévue pour 2015 : http://www.economie.gouv.fr/cessions/bureau-364
SupprimerIl va falloir faire les cartons...
yann Bisiou