J'ai vu, dit-il, un chou plus grand qu'une maison.
Et moi, dit l'autre, un pot aussi grand qu'une église.
Le premier se moquant, l'autre reprit : Tout doux ;
On le fit pour cuire vos choux.
...
Quand l'absurde est outré, l'on lui fait trop d'honneur
De vouloir par raison combattre son erreur ;
Enchérir est plus court, sans s'échauffer la bile.
On critique ! On critique ! Mais, en réalité, nos collègues du ministère ont conservé un esprit enfantin, plein d’enthousiasme, d’optimisme et de naïveté. Dans l’adversité on sent chez eux le souffle de Baden Powell, les leçons de Bison égocentrique, de Langue agile et d’Hamster érudit ! Les voici toujours rêveurs, prêts à de nouvelles facéties!
Prenez, par exemple, le courriel qui a été adressé aux universités françaises au lendemain des résultats catastrophiques des élections européennes. Après avoir rappelé que le président de la République avait pris l’engagement de créer des postes dans l’éducation nationale et que le ministère de l’enseignement supérieur avait bénéficié à ce titre de 5000 postes, un de nos joyeux lurons du ministère écrit : « je souhaiterais connaître l’utilisation qui en a été faite, ou qui en sera faite, tant sur la cartographie des emplois que sur les missions que vous avez choisi de privilégier, pour ceux qui ont été mis au recrutement cette année ».
Comme des enfants vous dis-je ! Ils ne lisent pas la presse nos collègues du ministère, ni les lettres de cadrage des présidents d’universités, encore moins les motions votées par les Conseils d'administration ou les rapports de l’IGAENR, l’inspection générale du ministère qui « audite » à tour de bras les universités confrontées à des difficultés financières qu’ils ont contribué à créer.
Il est vrai que ce ne sont pas les seuls à vivre dans l'illusion. Quand Manuel Valls veut faire croire qu'il mène une politique de gauche, il brandit aussi les promesses du candidat François Hollande. À Lilles, il y a quelques jours, le premier ministre en mal de "marqueurs de gauche" a cherché à démontrer que la politique suivie par le gouvernement n'avait rien à voir avec la "rigueur" et qu'il s'agissait seulement de bonne gestion et de "définir des priorités" pour "consolider le pacte républicain". Et quel exemple Manuel Valls sort-il de son chapeau? Les fameuses créations de postes dans l'éducation nationale ! "On ne fait pas de l'austérité quand on crée 60.000 postes dans l'Éducation " déclare le premier ministre.
Et là je m'interroge. Nous avions compris que l'enseignement supérieur intéressait encore moins l'actuel gouvernement que le précédent. Nous avions compris que les universités et leurs millions de jeunes n'étaient pas un enjeu pour l'avenir de la France, au mieux une survivance onéreuse et inutile d'un temps révolu, celui du service public, de la science et de la culture. Mais tout de même! Manuel Valls et nos collègues du ministère ne savent-ils pas que, dans les universités, ces postes qui « représentent un engagement important de l’Etat vis-à-vis de la jeunesse » - pour reprendre les termes du courriel précité - sont "gelés", expression qui, en novlangue, désigne les suppressions de postes ?
Ce ne sont pas les universités qui décident de faire mentir le président de la République et de se priver ainsi des postes qui « ont pour vocation d’appuyer les actions les plus efficaces en faveur de la réussite », comme le dit encore le joyeux luron du ministère ; c’est le ministère.
L'université du Havre, par exemple, a " bénéficié" de l'audit de l'IGAENR. Pour réduire le déficit, les conseils de cette noble institution sont simples : « La possibilité financièrement la plus efficace à court terme réside dans un gel des emplois vacants dont le recrutement est envisagé durant l’exercice 2013 » ( rapport, p. 24 ). C'est le recteur qui s'est chargé d'administrer la potion des bons docteurs de l'IGAENR en "gelant" les 5 postes promis par le président Hollande pour la réussite des étudiants. Et, bon petit soldat, il en a même gelé 29 de plus!
On pourrait faire ainsi, pour nos collègues du ministère et pour Manuel Valls, la longue litanie des postes "gelés" dans les universités françaises ; l'année dernière l'AEF en comptait plus de 400. Strasbourg, le bon élève de Valérie Pécresse et Geneviève Fioraso, a bénéficié de 12 postes et en a gelé... 50 en 2014 après avoir déjà prévu le gel de 41 postes en 2013. L'université de Lorraine a gelé 41 postes déjà existants en plus des 20 postes « Fioraso » et l'université de Bretagne Sud 7 postes « Fioraso ». A l'automne l'université Bordeaux Montaigne prévoyait de ne faire aucun recrutement sur les 8 postes reçus en 2014 et avait gelé 10 postes d’enseignants-chercheurs et 2 de personnels IATOSS. A Paris XIII, l’université de Jean-Loup Salzmann, le dévoué représentant de Mme Fioraso à la Conférence des présidents d’universités, 24 des 35 postes attribués en 2013 avaient été gelés, 7 servant à financer des emplois déjà existants.
Car, et c'est peut-être cela le plus touchant, rares sont les présidents prêts à briser les rêves des joyeux lurons du ministère et à déclarer, comme le président de l'université Bordeaux Montaigne, que « Les postes Fioraso sont devenus des postes virtuels, des postes cache-misère ». La plupart, au contraire, font preuve de beaucoup d'imagination pour entretenir l'illusion des grands enfants du ministère.
Il y a ceux qui expliquent que les postes ne sont pas gelés mais qu'ils servent à financer des emplois existants, comme à Paris 3 (7 postes), Marne la Vallée (20 postes) ou à l'université de Savoie où les 24 postes ont été utilisés pour « titulariser » 22 agents contractuels. À Saint-Étienne, il n’y a pas de gel mais une publication « progressive » des postes, à Grenoble 3 une « sous-consommation des recrutements sur postes statutaires » ... Il y a les petits malins qui publient les postes « Fioraso » et qui en gèlent d'autres, avec une mention spéciale pour Nantes qui a publié 4 postes « Fioraso » tout en « gelant » 76 postes existants !
Parfois la ruse est si grossière, on se dit qu'elle sera éventée comme ce 11 septembre 2013 où Mme Fioraso affirme avoir la preuve que les postes promis par le candidat François Hollande ont bien été créés. Elle en dresse l'inventaire pour conclure « ce qui fait un total de 871 à 881 postes » en oubliant que son ministère n'a créé que 871 postes dans les universités.
Mais non, les naïfs sont nombreux en ce moment. Dimanche dernier, alors que le Front National faisait presque 25% aux européennes et le Parti Socialiste moins de 14%, il s’est trouvé 21 députés et sénateurs pour soutenir la politique du gouvernement et de François Hollande. 21 députés et sénateurs sur…402 (274 députés et 128 sénateurs). 5% des parlementaires socialistes déclarent soutenir la politique du gouvernement. Quand on est si nombreux, on évite de publier des tribunes dans Le Monde ou le Huffington Post ; on envoie un SMS au président c’est plus discret.
Ne soyons pas mauvaise langue: tant que Madame Fioraso ne gèle pas les postes de cuisiniers, tout va bien...:
RépondreSupprimerhttp://www.ledauphine.com/isere-sud/2014/05/21/fioraso-epinglee-par-le-canard-enchaine-pour-avoir-5-cuisiniers-a-son-cabinet
Chronique tweetée https://twitter.com/Irnerius/status/473876678457192448
RépondreSupprimerMerci pour la photo Pierre!
Supprimeryann Bisiou