samedi 15 juillet 2017

(In)efficience et coûts cachés du néo-management : l’exemple de l’ANR

Le financement sur projets est le symbole par excellence du New Public Management et des théories libérales. Foin des dotations récurrentes, les services publics doivent mériter leurs crédits et se battre pour décrocher les moyens de remplir leurs missions. Pas de projet, pas de recherche !

Le SUP est un terrain de jeu rêvé pour ces idéologues, mais ils se gardent bien d’évaluer l’efficience du dispositif qu’ils ont créé. La publication des résultats détaillés de l’appel à projets ANR-AAP générique par News Tank, l'agence d’information spécialisée dans l’éducation, est l’occasion de faire une estimation de ces coûts cachés que les libéraux omettent soigneusement de calculer. Et là surprise! Le financement par projets est ruineux. Certes on s’en doutait, mais quand on fait le calcul, même de façon très sommaire, l’ampleur des coûts impressionne : l’appel à projets coûte plus cher que les sommes distribuées !

Dans la première phase de l’AAP générique 2017 les universités et les labos de recherche ont dépensé 91,55% du budget de l’appel à projets pour candidater ! En clair l’État a obligé ses opérateurs à dépenser 357,2M€ de crédits publics pour obtenir 390,2M€ de crédits publics !

Quand on ajoute les coûts de fonctionnement de l’agence, ceux des multiples conseillers, cabinets d’audit et autres organismes qui prospèrent sur le fumier du libéralisme, pour 1€ de crédits de recherche ANR, l’État et ses opérateurs auront dépensé plus de 1€ de crédits publics. Et encore, je ne prends ici que l’exemple de l’ANR. Si on fait le calcul sur le Commissariat Général aux Investissements d’Avenir, les PIA et les IDEX de l’Institut Montaigne et de MM Coulhon, Schweitzer, Korolitsky, Fuchs & consorts , les ratios sont explosés. Les libéraux font payer leur idéologie par le contribuable français.

Alors bien entendu ces estimations sont faites à la louche. La méthode utilisée n’est pas plus fiable que celles de l’Institut Montaigne, Terra Nova, le Cercle des économistes, Élizabeth Tessier, François Lenglet ou BFMTV. Mais elle ne l’est pas moins ! Vous trouverez ci-dessous le détail du calcul. Vous pouvez le refaire, le contester, modifier les paramètres et m’adresser votre propre calcul : je suis prêt à le publier et à le critiquer à mon tour. Dans tous les cas, le coût du new public management est tel qu'il ne sera jamais concurrentiel comparé au financement récurrent qui ne nécessite qu’un ou deux agents pour transférer les crédits à tous les établissements de l’ESR. Le financement sur projets n’est donc pas un mode de bonne gestion, mais un outil idéologique de précarisation et de contrôle qui permet à un clan minoritaire d’asseoir son pouvoir sur la majorité en créant une pénurie fictive de biens. Vieille technique du marketing…

Le financement sur projets et le new public management sont au libéralisme ce que le Gosplan était au communisme soviétique : une ruine pour le pays. Dès lors plutôt que d’annuler 95M€ de crédits aux universités, 51M€ à la vie étudiante, et 27,6M€ à la recherche, si les politiques en marche veulent être transparents, efficaces et soucieux des deniers publics, qu’ils jettent cette idéologie malfaisante aux orties et qu’ils distribuent, en dotation récurrente les 390,2M€ d’AAP aux universités et aux labos après avoir fermé l’ANR, le CGI, le HCERES et tous les organismes inutiles et coûteux créés par leurs amis.

Pendant ce temps, je vais soumettre à l’ANR un projet de recherche sur l’estimation des coûts cachés de l’ANR. Avant qu’elle ferme.




Estimation des coûts cachés :


Chaque item varie selon la discipline, le labo et l'établissement. Les coûts d'un projet ENS n'auront rien à voir avec ceux d'une université de province... Chaque item peut être contesté, discuté et c’est même le but de l’exercice ! On s’apercevra dans tous les cas que le financement sur projets est plus coûteux qu’une dotation récurrente.

Une réponse à un appel à projets ne vient pas de nulle part. Elle est le fruit d’une activité scientifique et d’une réflexion des chercheurs pour adapter leur objet de recherche au cadre de l’appel à projets.

Généralement un appel à projets scientifiques est porté par un PR ou un DR, on retient ici l’hypothèse d’un professeur des universités, beaucoup plus économique. Le coût chargé moyen d’un PR 2ème classe indice 821 était, en 2013, de 87.732€ pour un équivalent de 1607h/an. Un professeur des universités coûte donc 54,59€ de l’heure ; moins cher qu’un plombier.

Les enseignants-chercheurs sont réputés travailler pour moitié sur leurs activités de recherche. Le nombre de jours de travail théorique dans une année est de 228 + 1 (pour la journée de solidarité), notre professeur va consacrer 114,5 jours à la recherche à raison de 7 heures par jours. Il va utiliser 30 jours de son temps de recherche à répondre à l’appel d’offre, de l'évaluation de l'état de la science au bilan de ses recherches en passant par la mobilisation des acteurs et la rédaction du projet. Il va travailler en équipe avec un autre enseignant-chercheur qui va consacrer 20 jours au projet. L’équipe complète va être réunie 3 fois, d’abord pour définir le cadre de la réponse, ensuite pour faire un point d’étape, enfin pour valider la version définitive. Une dizaine de chercheurs participent à ces réunions qui durent environ 3 heures. Au total le nombre d’heures consacrées par l’équipe sera donc de :

(30x7)+(20x7)+(30x3) = 440 heures

Le coût scientifique de réponse à l’appel à projet sera donc de 24000€ environ par équipe.

À ce travail scientifique s’ajoute l’accompagnement administratif. Ici deux agents vont aider l’équipe scientifique, un IGE (salaire moyen annuel 45.000€) et un agent de catégorie C pour le secrétariat (27.000 €./an). L’IGE consacre 3 semaines au projet, le secrétariat étant mobilisé sur 2 semaines de travail soit 105 heures pour l’IGE et 70 heures pour le secrétariat. A 28 € de l’heure pour l’IGE et 16,80€ de l’heure pour le secrétariat le coût administratif direct est de 4.116 €.

La masse salariale consacrée à la réponse à l’appel à projets est donc de 28.116€.

À cela il faut ajouter les frais de structure, ce que l’on appelle le coût environné. Il varie bien entendu d’une structure à l’autre. En serviteur zélé du néo-management, lorsque ces frais sont engagés par un établissement majoritairement financé par l’État, l’ANR cache ces coûts en les limitant à 8%. Dans les autres cas l’agence les estime à 68% ce qui est encore insuffisant. Les universités qui ont effectué le calcul sont à un taux de 75%, voire 80% des dépenses de personnel. On retiendra 75% et il faut donc ajouter 21.087€ à la masse salariale.

Le coût de réponse à l’appel d’offre pour chaque établissement s’élève donc à 49.203 €

Selon les données présentées par NewsTank, 7.260 projets ont été présentés cette année et 6.346 ont été rejetés. Pour les établissements publics candidats, le coût total de soumission à l’appel à projet est donc de :

49.203 x 7260 = 357.213.780 €

Sur cette somme astronomique plus de 300 Millions d’euros, très exactement 312.242.238 € ont été purement et simplement gâchés en raison du faible taux de réussite à l’ANR.

L’Agence indique, dans son rapport d'activité 2015, qu’elle a consacré 390,2 M€ aux AAP. À ce stade cela signifie que 91,55% du budget de l’appel à projets ont été consommés par les établissements publics pour candidater, mais le calcul n’est pas fini !

Il faut aussi compter les coûts de l’Agence Nationale de la Recherche. La tâche est plus compliquée car une large partie de ces coûts est masquée. Dans son rapport pour 2015 l’agence indique qu’elle consacre 34,3 M€ à son fonctionnement. Les AAP représentent 73,89% des financements de l’agence. Au prorata on peut considérer que 25,34M€ sont consacrés à la gestion des AAP.

Notre total monte encore à 382.553.780 €,  98,04% des crédits des AAP ont été consommés pour organiser l’appel à projet.

Et encore sommes-nous toujours très loin du compte ! En effet, le budget de l’ANR est en trompe-l’œil et ne recense pas tous les coûts. Ainsi, à titre d’exemple, l’ANR annonce 259 ETPT en 2015 dans son rapport annuel, mais le NEB 2016 de la Cour des comptes ne mentionne que 229 ETPT rémunérés par l’Agence. 30 emplois, et probablement pas les moins bien payés, sont donc financés par d’autres institutions publiques. Si l’on retient le salaire chargé de notre PR de seconde classe comme référence (87.732€/an) il faut rajouter 2.631.960€ de masse salariale, soit 1.944.755,244€ de coût supplémentaire pour l’AAP générique.

Notre coût d’appel d’offre passe à 384.498.535,24€ et ce n’est pas fini !

Il faut aussi intégrer le coût des 33.597 expertises réalisées par des agents publics pour le compte de l’ANR Si les experts consacrent 2 heures à l’analyse des dossiers, le coût est déjà de 3.668.120,46 €. Et ce n’est pas fini !

Il y a le coût des 1619 membres de comités d’évaluation des pré-propositions, des 904 membres de comités d’évaluation scientifique qui tous prennent sur leur temps annuel de recherche pour permettre le fonctionnement de l’appel à projets. Les 390,2M€ de crédits destinés aux AAP sont dépensés et ce n’est pas fini !

Il faudrait encore compter le coût des 60 pages du Contrat d’Objectif et de Performance signé entre l’ANR et l’État. Un chef d’œuvre de néo-management inutile sur lequel se sont probablement penchés une bonne dizaine d'inspecteurs des finances et d’économistes libéraux rémunérés à plus de 54,59 € de l’heure : l’appel à projets coûte plus que les crédits distribués par l’ANR.

Vous contestez ces sommes? Faites votre calcul. Et si vous pouvez démontrer que l'appel à projets coûte moins cher qu'une dotation récurrente et qu'il est donc plus efficient, n'hésitez pas à laisser votre calcul en commentaire ;-)

27 commentaires:

  1. le salaire moyen d’un IGE : 45 k€ ? Mazette ! Même un IGE hors classe atteint péniblement ce salaire...

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    1. Bonjour,
      attention à ne pas confondre: dans ce type de calcul de coût on tient compte du coût employeur, pas du salaire brut.

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    2. Je confirme que donner 45 k€ comme salaire moyen annuel chargé pour un "IGE" soit un ingénieur d'études me semble également très exagéré.

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    3. 45k€ chargé correspond à 2136€ net / mois. Ca ne me semble par « très exagéré »...
      https://www.wuro.fr/pages/outils-pour-les-entrepreneurs/calcul-du-salaire-brut-net-et-cout-total.html

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  2. L'estimation du temps passé à mettre au point un projet me semble très largement surestimé (ou alors il s'agit de quelqu'un qui rédige son premier projet). De même la question de l'accompagnement administratif; je rédige mes projets de recherche sans avoir besoin de la moindre aide de secrétariat et si jamais une secrétaire devait intervenir il ne lui faudrait jamais 2 semaines pour mettre en page un projet ANR. Enfin, en tant que membre de comité ANR, je ne remplis pas cette mission à la place de mon temps de recherche mais bien en plus de celui-ci.

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  3. Bonjour et merci pour votre réponse. 2 remarques
    1° je l'ai précisé, on peut discuter chaque élément. Il faudrait d'ailleurs ajouter les coûts de la phase 2 que je n'ai pas intégrés. Faites le calcul et voyons à quel montant vous arrivez.
    2°en compta analytique votre temps de travail n'est pas extensible donc l'activité liée à l'ANR "prend" sur votre temps recherche. Une exception, cher collègue de Belgique: j'ai retiré du calcul les experts étrangers.
    cordialement
    Y.

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  4. Il y a quelques années la Cour des Comptes a étudié l'efficacité de l'ANR. Il ressort (de mémoire) que 80% de l'argent donné à l'ANR pour financer la recherche n'est pas utilisé à chercher, et ceci en ne prenant en compte que les projets financés ! Peu importe le détails des calculs, vos ordres de grandeurs sont corrects.

    En cette période de restrictions budgétaires, aucun politique et journaliste ne mentionne le coût exorbitant de la bureaucratie, dont les procédures kafkaiennes ne visent qu'à justifier son existence et celle des parasites qu'elle nourrit.

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  5. Organisons une pétition sur change.org! Et diffusons cette information publiquement dans les médias.

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  6. Les salaires me paraissent un peu sur-évalués et tu as fais une erreur dans le calcul du nombre d'heures (30x7)+(40x7)+(30x3) = 580 heures
    De plus Yann tu as oublié le temps consacré aux différents rapports à faire par le porteur et les membres du projet et la réunion à mi-parcours avec l'ANR qui audite le déroulement du projet. Cela rajoute des coûts supplémentaires.

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  7. Il me semble que tu as oublié de compter un EC (30x7)+(40x7)+(30x3) = 580 heures
    De plus il faut aussi rajouter dans les coûts le temps consacré par l'équipe à la rédaction de différents rapports et à la réunion à mi-parcours afin d'auditer le déroulement du projet.

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    1. Bonjour Philippe,
      merci pour le commentaire.
      En effet il y a une erreur dans le texte, je suis parti sur 2 EC "pilotes". Je corrige.
      Pour le reste l'estimation n'est pas complète c'est pourquoi je pense être en-dessous de la vérité. Il faudrait ajouter les coûts de la seconde phase avant sélection.

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  8. Yann, Vous posez une vraie question avec les coûts de la bureaucratie. Nous différons surtout sur les conclusions qu'il convient d'en tirer. Les financements récurrents sont aussi une perte sociale lorsqu'on finance des équipes qui ne publient pas ou peu. IL est vrai que le récurrent coûte peu en transactions mais il coûte beaucoup en termes d'inefficacité de l'allocation. Il faut que vous soyez sérieux jusqu'au bout. Votre détestation du libéralisme (qui soit dit en passant est un véritable conformisme ou confort intellectuel dans votre groupe Vernant) vous conduit à manquer beaucoup de subtilité: les Korolitsky et les gens du CGI ou de l'ANR que vous dénoncez ne sont pas des libéraux: ce sont au contraire des technocrates qui cherchent à sauver le dirigisme. Thierry COulhon est peut être un peu plus en proie au doute (du moins je l'espère) car c'est un vrai chercheur. Voyez sur mon site mon récent article sur les fusions d'universités. Lisez les vrais libéraux! Votre critique de la bureaucratie est d'ailleurs typiquement libérale (dans l'esprit du Public Choice). Vous faites du Public Choice sans le savoir comme M Jourdain faisait de la prose! Robert

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    1. Que vaut il mieux : 75% de financements récurrents "inefficaces" ou bien 110% sur projets ?

      Comment chiffre t on le coût de l'attribution par copinage et autres magouilles (absolument scandaleux dans certaines SIMI de l'ANR) ?

      Quant aux publications, le financement sur projet a généré une massification de la production scientifique... insignifiante dans son immense majorité. Il y a t il des études sérieuses montrant que le financement de la recherche sur projets à conduit à du "publier mieux" plutôt qu'à du "publier plus" ?

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    2. Le problème n'est pas tant de savoir qui est plus ou moins libéral que qui (que d'évaluer la pertinence du financement sur AP aux côtés du récurrent.
      1- Le récurrent (qui est à 0 dans mon unité de recherche en chimie) est indispensable pour pouvoir financer des projets amonts dont on souhaite garder la confidentialité (qui n'existe pas à l'ANR sauf à demander aux experts à établir une liste d'antériorité de connaissances. Demandez à un avocat spécialiste de la PI...). Le récurrent est également indispensable à certaines thématiques qui ne cochent pas les bonnes cases des AP ANR
      2- En effet, l'évaluation des équipes ou des unités n'a jamais été performante (ni par les comités du CNRS, ni par l'HCERES). Changeons là !
      3- Oui aux AP à condition que les montants alloués permettent de financer significativement plus que la mince obole de 300 à 400 kE sur 3 ans pour 2 ou 3 équipes (soit grosso modo 1,5 postdoc et 20 à 30kE de fonctionnement par an, soit 3 fois rien dans certains domaines qui utilisent de l'instrumentation lourde).
      3- Nous croulons tous sous les publications, indicateurs bibliométriques et les journaux scientifiques !! STOP !! Lisez les derniers éditoriaux à ce sujet dans les plus grands journaux!
      Sans compter les dérives de la dictature de la bibliométrie menant aux articles frauduleux, aux vérités arrangées, aux résultats embellis...
      4- Enfin et surtout, avez vous mesuré l'impact financier qu'engendrent mal être et démotivation de chercheurs dont les projets sont systématiquement rejetés par l'ANR? Voir certaines enquêtes sur l'état psychologique des chercheurs...

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  9. Yann, Vous posez une vraie question avec les coûts de la bureaucratie. Nous différons surtout par les conclusions que nous pensons devoir en tirer. Les financements récurrents sont d'une administration moins coûteuse, c'est évident, mais ils conduisent à une allocation inefficace des ressources: un coût social qui consiste à financer des équipes qui ne publient pas ou peu. Donc vous devriez être sérieux jusqu'au bout et tenir compte de ce coût social. Par ailleurs votre détestation du libéralisme (un vrai conformisme ou confort intellectuel pour le groupe Vernant) vous conduit à manquer de subtilité: les gens de l'ANR et du CGI que vous dénoncez ne sont pas des libéraux: ce sont des technocrates qui cherchent au contraire à sauver le dirigisme. Thierry Coulhon est peut être plus en proie au doute car c'est un vrai chercheur. Lisez mon article sur les fusions d'universités (cf. mon site web). Faut être nuancé et par ailleurs il faut être assez Marxiste pour comprendre le sens de l'Histoire dans ces affaires! En vous attaquant à la bureaucratie, vous faites de la critique libérale (du style Public Choice!), comme Monsieur Jourdain faisait de la prose, sans le savoir. Continuez à critiquer, mais sérieusement. Salutations, RObert GB

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    1. Bienvenue sur mon blog cher collège ;-)
      Je suis surpris par l'ampleur des réactions sur un sujet qui me semble bien moins important que l'avenir de l'ESR et du SUP. Cela en dit long sur les enjeux.
      Je vais faire une seconde chronique pour revenir sur les différents arguments échangés, notamment ceux que vous évoquez ici.
      cordialement
      Y.

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  10. Bonjour et merci pour la réponse.
    Ce que je déteste c'est surtout la propagande et l'hypocrisie. Il se trouve que certains cercles "néo-libéraux" (plus que libéraux vous avez raison) se sont spécialisés dans la méthode.
    Sur le fond du débat, les appels à projets ont leur pertinence, mais pas pour financer le récurrent. Ils devraient intervenir une fois le récurrent assuré ce qui n'est pas le cas quand ont annule 174M€ de crédits. C'est cette dérive que l'on constate et que l'AAP générique illustre parfaitement avec ses coûts astronomiques.

    Je ne fais pas du Public Choice (cf le rôle majeur que je donne à l'État), en revanche je suis sensible à l'analyse systémique (hélas): Maturana/Luhmann/Teubner en droit et sciences politiques ;-)
    PS: je ne suis pas dans le GJPVernant...
    bien à vous
    Y.

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  11. L'ANR est maintenant critiquée de toutes parts. On ne peut pas faire pédaler tout le monde tout le temps pour un gain espéré minable. Il n'y a plus d'argent. Ce truc ne peut marcher que s'il y a de l'argent et un probabilité suffisante de passer pour les bons chercheurs. Ce n'est plus le cas: c'est devenu un lot de consolation improbable pour ceux qui ont les bonnes relations. Lisez le témoignage de Jezequel, informaticien de Rennes sur AEF.

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  12. Bonjour,

    Evaluer le coût des réponses aux appels à projets de l'ANR est une excellente idée ! Ceci dit, mon expérience (participation à plusieurs projets de physique expérimentale, y compris en tant que coordinateur, ) est très différente de vos estimations. Par rapport aux pratiques dans mon domaine, je pense que vous surévaluez ce coût d'au moins un facteur dix, pour les trois raisons suivantes :
    - Le coût scientifique : surestimé d'un facteur environ 3. Je n'ai vu personne passer 210 heures sur la rédaction d'un projet.
    - L'accompagnement administratif : dans mon expérience, son coût est négligeable (quelques heures de travail pour un(e) ITA).
    - Les heures de travail : les chercheurs suffisamment actifs pour déposer un projet ANR ne travaillent pas 229 x 7 heures par an, mais plutôt 1.5 fois ce temps (plus proche de 2 fois pour les enseignants-chercheurs) ce qui réduit d'autant le taux horaire.
    - Les projets passent rarement du premier coup (comme vous le rappelez, le taux de réussite est proche de 10%), et donc la plupart des soumissions en sont à la deuxième présentation ou plus. Le temps passé à améliorer le projet pour une deuxième présentation est beaucoup moindre que pour une première rédaction.


    On peut rajouter aux arguments ci-dessus deux autres détails qui réduiraient encore le coût des réponses :
    - Depuis quelques années, la sélection des projets ANR se fait en deux étapes; touts les candidats soumettent un projet court (quelques pages) mais uniquement un tiers sont invités à soumettre une proposition complète.
    - Les projets scientifiques sont "recyclés" pour d'autres demandes (hors ANR), rapports etc. En plus, la conception d'un projet et les réunions qui servent à le discuter et à l'analyser font partie intégrale de l'activité de recherche, et on ferait (une partie de) cet effort même sans appels à projets.

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    1. Cher collègue,
      merci pour votre commentaire. Il est possible que j’ai surestimé le temps de préparation, je pense qu’il varie également beaucoup d’une discipline à l’autre. Mais à votre tour vous sous-estimez le coût des projets.

      En compta analytique nous ne pouvons raisonner que sur un temps de travail légal, donc 229x7h c'est le maximum possible! Et 54,59€ de l’heure c’est cadeau! Si vous faites la simulation avec un DR ou un PR 1ère classe ce sera beaucoup plus et nous ne serons pas à un facteur 3 ou 10.

      Le temps de préparation scientifique ne se limite pas à la rédaction de 5 pages, il inclut tout le travail préalable du labo, ce que vous dites d’ailleurs en expliquant qu’il faut souvent soumettre 2x.

      Ensuite, je n’ai pas tenu compte, volontairement, de la seconde phase qui majore encore le coût de l’appel à projets.

      Pour conclure: on peut discuter des heures sur les hypothèses à retenir, dans tous les cas, le coût de l’appel à projets sera prohibitif au regard des sommes distribuées.
      cordialement
      y.

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    2. Je ne suis pas expert en comptabilité, mais il me semble que si les chercheurs travaillent par an plus que les 1600 heures statutaires, ceci réduit le coût effectif de l'heure de travail ? Autrement, on peut aussi considérer que le travail fait en dehors de ces heures (le WE, par ex.) coûte à l'état 0€ de l'heure...

      Ce qui me semble plus intéressant est que vous précisez avoir laissé de côté la seconde phase; cela veut-il dire que toute vos estimations concernent uniquement la première phase ? Sans inclure les réunions, cela revient à 350 heures de travail plein temps pour rédiger six pages. Et encore une fois 350 heures pour re-soumettre l'année d'après.

      Je ne connais pas les pratiques en droit, mais ceci me semble excessif : en extrapolant, un chapitre d'une centaine de pages prendrait plus de deux ans de travail plein temps. Encore une fois, je pense que vous surestimez de plus d'un ordre de grandeur.

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    3. Bonsoir,
      Mon calcul est très largement perfectible, comme je l'indique dans la chronique. En revanche je pense que vous sous-estimez le coût. Non on ne peut compter un travail "gratuit", car dans le cas contraire vous n'avez pas le coût réel de l'action.
      Mais le mieux que je puisse vous suggérer c'est d'essayer vous-même de faire l'inventaire des coûts en commençant pas chiffrer les heures avec vos indicateurs, c'était aussi l'objectif de cette chronique ;-)
      cordialement
      Y.

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  13. Excellent papier mais le coût horaire d'un enseignant me semble gravement sous-estimé. Maintenant à la retraite, j'avais calculé il y a quelques années que le coût journalier d'un professeur était de l'ordre de 600 euros. En effet salaire+charges + bureau de 20m2 en plein centre ville de Lyon + accueil à l'entrée + entretien, chauffage + place affectée au parking en sous-sol + imputation des frais généraux de l'université. Les sociétés de consultants, les avocats qui facturent facilement 200 à 300 € de l'heure savent très bien faire ces calculs. D'ailleurs pour les dépenses inférieures à 100 €, le coût de gestion de la dépense est supérieur à la dépense elle-même. Ainsi si un enseignant fait 40km AR avec sa voiture personnelle, le coût de gestion de l'opération est de 4 à 10 fois supérieur au remboursement. Si la France dépense 56% de son PIB à la dépense publique alors que tant d'administrations vivent dans le dénuement, il doit y avoir des raisons.

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    1. Tout à fait. Pour avoir travaillé dans le privé avant d'entrer à l'université, je suis sidéré de voir cette dernière incapable de chiffrer les coûts réels. A quand une compta analytique dans les universités ? Dans la mienne, c'est pas demain la veille.

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    2. bonjour et merci pour votre commentaire. Je pense en effet être largement en dessous de la vérité, mais comme les coûts que j'annonce font déjà réagir quelques collègues qui les trouvent excessifs au regard de la réalité... il y a du travail pour expliquer la comptabilité analytique

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  14. Il est tant d'agir pour que cesse cette multiplication de sources de financements en effet. C'est ce que je propose notamment dans ma pétition publiée sur change.org Signez là pour que Macron comprenne!
    https://www.change.org/p/emmanuel-macron-soutenir-la-recherche-fondamentale

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  15. Je suis entièrement d'accord pour ne pas multiplier les sources de financements. C'est d'ailleurs entre autres mesures ce que je propose dans ma pétition destinée à Emmanuel Macron et que je vous invite à signer sur change.org:
    https://www.change.org/p/emmanuel-macron-soutenir-la-recherche-fondamentale

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