vendredi 10 février 2017

Sélection en master et étudiants internationaux : l'arbre et la forêt




L’espace de 24h l’université Paris-Nanterre a supprimé l’accès en master aux étudiants internationaux. Nanterre la Rouge, Nanterre du « Mouvement du 22 mars », l’université ouverte, mon Alma Mater, fermée aux étudiants internationaux ???!!! Il n’y avait qu’Elle pour pouvoir mettre un tel pavé dans la mare sans être suspectée de xénophobie. Car ce sont des problèmes techniques qui expliquent cette décision, des problèmes qui dépassent l’université de Nanterre et la question des étudiants internationaux.

En revenant sur sa décision, l’université s’est expliquée. Elle a mis en avant des contraintes administratives conjoncturelles, mais aussi des raisons plus structurelles comme la sélection en master. Dans Le Monde, le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche exprime son « incompréhension » et prétend que « rien ne peut l'expliquer dans la réforme de la sélection en master ». Et pourtant si ! Je l’avais d’ailleurs indiqué dans ma précédente chronique sur les étudiants internationaux et je ne peux qu’inviter le ministère à me lire pour mieux comprendre ce qui se joue dans le SUP... 

Le nouvel article L.612-6 al. 2 du code de l’éducation autorise les universités à organiser une sélection par concours ou dossier en M1. En contrepartie de cette sélection, l’article L.612-6-1 rend automatique, sous condition de réussite, la poursuite en M2. Les universités définissent donc leurs capacités d’accueil en M1 en fonction de leurs capacités d’encadrement en M2.

En Droit ou en Psychologie, qui bénéficient d’une dérogation pour sélectionner en M2, il n’y a pas de difficulté.  En Sciences exactes où la pression des effectifs est moindre entre la licence et le master c’est encore simple. Dans les Humanités ou en Gestion en revanche, l’écart entre les effectifs de M1 et ceux de M2 peut être considérable. Or ce sont les filières qui accueillent la majorité des étudiants et la suppression des « spécialités » ainsi que le regroupement des mentions de master décidés par Geneviève Fioraso accroissent encore la pression. Dans certaines filières les effectifs de M1 vont diminuer de moitié par rapport à cette année. Et c’est là que le problème des étudiants internationaux se pose.

Le code de l’éducation ne distingue pas entre les candidats. Diplômés de licence de l’université ou d’une autre université, étudiants internationaux ou étudiants en formation continue sont en concurrence. En alignant les capacités d’accueil en M1 sur les capacités des M2, certaines universités ne peuvent pas accueillir tous leurs étudiants diplômés de licence. Par respect pour ces étudiants qu’elles ont formés, les équipes pédagogiques leur donnent la priorité et l’arbitrage se fait sur les autres catégories de candidats. La décision de l’université de Nanterre peut choquer, mais elle a le mérite de la transparence et de l’honnêteté. D’autres sont plus discrètes, mais n’accepteront en fait que quelques rares dossiers sur les milliers de postulants.

Dans les années à venir, les cursus universitaires vont ressembler à ceux de certaines Grandes Écoles prestigieuses. Il y aura la voie royale après le Baccalauréat et la Porte Étroite après la licence. On peut choisir cette solution, on peut aussi chercher les moyens de maintenir une ouverture internationale, mais aussi des publics mixtes formation continue/formation initiale en master.

Distinguer les différentes catégories de candidats ne règlera rien puisque le critère  retenu par les collègues est la capacité d’accueil globale en M2. On peut sélectionner en première année de licence, par effet de dominos. C’est ce que font actuellement ces grandes écoles prestigieuses que j’évoquais. On peut aussi transformer la licence en diplôme d’entrée en master en limitant le nombre de diplômés en fonction des places disponibles en master. C’était la proposition de certains présidents d’universités avant l’adoption de la loi. Je suis hostile à ces deux options. J’ai déjà écrit à plusieurs reprises qu’avant d’envisager une sélection en L1, il était plus pertinent de limiter les redoublements excessifs. Quant au diplôme de licence, il doit continuer à sanctionner une formation généraliste qui permet l’accès à plusieurs masters.

Reste une solution : ouvrir plus de masters. La structure actuelle en « mentions » et « parcours » ne le permet pas. Il faut donc rétablir les spécialités qui correspondaient à une réalité professionnelle, soit sous les mentions, soit à la place des mentions. Il faut ensuite des moyens. Lorsque Geneviève Fioraso a réformé les masters la « clarification » tant vantée cachait, mal, une préoccupation budgétaire. Les masters sont beaucoup plus coûteux que les licences et il fallait trouver des économies. Enfin, si l’on veut que les universités s’ouvrent plus à l’international, mais aussi en formation continue, il faut une politique de l’enseignement supérieur en France et non un verbe creux ; ce sera peut-être le plus difficile à obtenir.

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