C’est
bien connu, quand on a les pieds dedans, plus on bouge, plus on s’enfonce.
C’est un peu ce qui arrive au ministère de l’Éducation Nationale, de
l’enseignement supérieur et de la recherche et à son secrétaire d’État avec APB
(Admission Post Bac).
Sous
la double pression de la hausse des effectifs étudiants et de la baisse des
crédits, avec le corollaire des « gels de postes » recommandés par l’IGAENR, les universités ont été contraintes
d’instaurer des capacités d’accueil pour l’entrée en Licence dans les filières
«en tension ». Lorsque ces capacités sont atteintes, les étudiants
admis à s’inscrire sont tirés au sort. Ce système absurde, dénoncé par tous,
organise une sélection de fait dont la légalité a été critiquée par le Tribunal
administratif de Bordeaux le 16 septembre dernier.
Adepte
de la rustine, le ministère annonçait lundi dernier la présentation pour avis
au CNESER d’un projet d’arrêté pour « sécuriser » le tirage au sort. Devant
l’hostilité de tous les acteurs, le texte était finalement retiré et son
examen reporté sine die « pour
ouvrir une réflexion sur ce sujet sensible » à en croire les propos
rapportés par Le Monde.
Il y
avait donc de quoi être surpris vendredi à l’ouverture d’APB en découvrant que le
paramétrage avait été modifié. Un courrier daté du 19 janvier et signé de
Simone Bonnafous, DGESIP, ainsi qu’une note du 13 janvier relative à
« l’application de l’article L.612-3 du code de l’éducation » détaillent ces changements. Curieusement la note vise «l’arrêté pris en application
des dispositions du 2ème alinéa de l’article L.612-3 du code de
l’éducation », c’est-à-dire le fameux projet reporté sine die « pour
ouvrir une réflexion sur ce sujet sensible »…
Ce
n’est pas la première fois que notre DGESIP demande aux universités d’appliquer
un texte non publié. Mais cette fois, comme dans l’affaire du site « trouvermonmaster », on peut penser qu’il s’agit plus d’une
maladresse que d’une volonté délibérée de passer outre le CNESER. La DEGSIP n’a
pas attendu l’avis du CNESER pour préparer APB et la volte-face de Thierry
Mandon l’a prise de court.
Il n’empêche ; APB est configuré selon un texte
non publié. La DGESIP écrit par exemple : « L’arrêté pris en application
des dispositions du deuxième alinéa de l’article L.612-3 du code de l’éducation
définit la notion de situation de famille. Il s’agit des candidats mariés,
ayant conclu un Pacs, vivant en concubinage selon les termes de l’article 515-8
du code civil ou ayant une ou plusieurs personnes à leur charge (par exemple
les candidats parents) »… On laissera les membres du CNESER s’expliquer
avec le ministère, mais on se demande bien en quoi va consister cette
«réflexion sur ce sujet sensible », à part des mémoires en défense devant les tribunaux administratifs de
toute la France. Mais ce n’est pas tout !
Le
courrier de Mme Bonnafous et la note d’information modifient la procédure pour
les étudiants déjà inscrits dans une université et qui souhaitent se réorienter
dans un autre établissement. Ils devront dès cette année être intégrés à APB.
La conséquence immédiate est d’augmenter d’autant le nombre de candidatures
alors que les capacités d’accueil restent les mêmes, et donc le risque de tirage au sort! Le ministère réussit cet exploit de rajouter de l'insécurité juridique en prétendant la réduire...
Pire
encore, la DGESIP admet que les étudiants primo-entrants peuvent en faire
les frais. Il écrit : « Par conséquent, en cas de tirage au sort, des
candidats néo-entrants peuvent ne pas recevoir de proposition d’admission alors
que des candidats en réorientation du même secteur prioritaire en reçoivent une ». Voici comment on peut faire des communiqués publics sur le refus de toute sélection à l’université et, en douce, vouloir rejouer Hunger Games pour accéder à l'université.
Je
n’ai jamais été favorable à la sélection à l’université, alors une nouvelle
fois je relance ma proposition : limiter le nombre de redoublements en
première année. La mesure existait avant le LMD, elle n’a jamais empêché un
étudiant motivé de poursuivre ses études, mais elle donne une chance à ceux qui veulent réussir dans des filières dont les capacités d'accueil ne sont pas extensibles à l'infini.
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