Monsieur
le président de la République,
Votre
agenda indique qu’après-demain vous ferez un discours sur l’enseignement
supérieur. La nouvelle m’a surpris. Que vous puissiez faire une phrase sur le
SUP dans un discours d’une heure, comme lors de votre intervention devant la
Fondation Jean Jaurès, passe encore. Mais un discours complet ! Certes,
j’ai bien noté l’agitation soudaine de votre ministre de l’éducation et de son secrétaire
en charge de l’enseignement supérieur qui multiplient les annonces de circonstance
que votre plume pourra reprendre. Mais même en tirant à la ligne il n’y a pas
de quoi tenir 10 minutes.
De
quoi allez-vous donc parler Monsieur le président ? De cette « ambition pour la jeunesse » à
laquelle le SUP n’a jamais été associé ? De « l’optimisation fiscale » du « Crédit Impôt Recherche » qui n’a rien apporté, ni à la
Science, ni à la Recherche ? De ce jeu de bonneteau avec les crédits des
universités qui, de « réserve de
précaution » en « décret
d’avance », a vidé de son sens la notion de Loi de Finances ? Même
Valérie Rabault, votre rapporteuse à la commission des finances de l’Assemblée
Nationale, s’y est perdue en juin dernier oubliant que votre gouvernement, une
nouvelle fois, avait supprimé par dizaines de millions les crédits des universités.
Vous
allez parler du mensonge des postes « Fioraso » ? Vous savez,
Monsieur le président, ce millier de postes que vous aviez promis à
l’enseignement supérieur ! Pas des postes en réalité, mais une maigre
somme qui ne permettait pas le financement d’un poste d’enseignant-chercheur et
qui de toute façon venait abonder le budget des universités exsangues. A mesure
que vous annonciez, triomphant, la
création de ces postes, l’Inspection Générale obligeait les universités à en « geler » d’autres ! Hasard du
calendrier, l’Université Paul Sabatier de Toulouse vient d’annoncer le « gel »
de 200 postes, l’équivalent de 20% des « postes Fioraso » d'une année ! « Postes
Gelés » une innovation sémantique de votre mandat d’ailleurs, une de
ces expressions Orwelliennes qui forment la substance de l’action de votre
actuelle ministre de l’éducation.
Allez-vous, Monsieur le président, vous arrêter sur l’incompétence de vos protégés ? De lois mal ficelées en décrets maladroits vous avez ridiculisé le Parlement et fait condamner les universités par les tribunaux administratifs.
Plus
largement, il faudrait évoquer le clientélisme des vôtres, ces jeux de chaises
musicales permettant aux mêmes une promotion à l’incompétence et une mainmise
sur le SUP. Faut-il parler de la nomination d’un directeur de cabinet à la tête
de l’INRA, de votre conseiller à l’enseignement supérieur et à la recherche à
l’Élysée se taillant une place sur mesure au CEA ou de la promotion du compagnon
de votre ancienne ministre du SUP au sein du même établissement ? La confusion entre les intérêts privés et
l’intérêt public aura été une constante d’un mandat qui prétendait réhabiliter la
«République Exemplaire ».
Il
faudrait aussi évoquer le mépris de votre équipe pour les valeurs que porte l’université,
cette ministre au CV « arrangé » d’une maîtrise et d’une expérience
professionnelle qu’elle ne possédait pas et qui continue, comme si rien n’était,
à remettre des rapports à votre premier ministre et à couper les rubans de la
République avec votre ministre de l’éducation.
Mépris
de l’université, de ses valeurs, de ses diplômes aussi, avec l’hypocrisie de
« l’excellence pour tous »
et la réalité d’une sélection par l’échec et d’une dégradation des conditions
de formation dans le SUP public.
Allez-vous insister sur le doctorat, dont vous annonciez la revalorisation quand,
dans le même temps, vous en dispensiez certains nouveaux recteurs avant de
baisser, de facto, la rémunération des doctorants contractuels ?
Pourtant
vous aviez une chance, Monsieur le président : celle de renoncer à la politique absurde de
Nicolas Sarkozy, Valérie Pécresse et Laurent Wauquiez, aux mirages d’un SUP
anglo-saxon mal compris, aux fusions stériles, au gâchis des IDEX et autres
Investissements d’Avenir. Ce « changement » promis avait convaincu
les enseignants-chercheurs comme les chercheurs. Au lieu de saisir cette opportunité vous avez
préféré poursuivre la politique de ruine de l’université française engagée par
votre prédécesseur. Aujourd’hui vous voici comptable de son échec, de cette politique
qui prétendait faire « monter » dans des classements absurdes une
vingtaine d’universités et n’est parvenue qu’à faire descendre la poigné
d’établissements qui y figuraient auparavant.
Qu’allez-vous
dire, Monsieur le président ? Que vous vous-êtes trompé ? Inutile,
nous le savons déjà. Nous prendre encore pour des benêts à qui il faut « mieux expliquer » les réformes ? Allez-vous mentir ?
Cela ne servira à rien tant les ressorts sont connus et usés.
Si féconde soit l’imagination de votre plume, il est probable que vous continuerez
votre plongée dans les abysses, ces grands fonds océaniques de la popularité
qu’aucun de vos prédécesseurs n’était parvenu à atteindre. Votre seul exploit
en réalité ; le seul défi que vous soyez en passe de réussir. Le mieux, Monsieur le président, serait peut-être le silence et la méditation en
attendant de quitter ce palais où je regretterai longtemps, comme beaucoup
d’autres, de vous avoir laissé entrer.
c'est où est quand exactement ce discours?
RépondreSupprimerBonjour, l'agenda de l'Élysée annonce jeudi 29 septembre à 15h "rentrée universitaire". La presse évoquait une université parisienne.
Supprimercordialement
yann Bisiou
>vous avez ridiculisé le Parlement et fait condamner les universités par les tribunaux administratifs.
RépondreSupprimerJe ne sais pas pour Montpellier, mais ailleurs, les universités n'ont pas eu besoin du Président pour se ridiculer et être trainées au TA. Peut-être que si les politiques (présidents d'université, doyens, chefs de cabinet...) prêtaient un peu plus attention aux signaux d'alarme et aux recommendations formulées par les attachés de l'administration, ces mêmes présidents et doyens ne mettraient pas leurs universités/facultés dans une situation condamnable...
Cette petite lettre n'est pas très aimable à l'égard de celui dont le temps précieux ne permet d'apporter de réponse et ce d'autant qu'il lui faut au plus tôt peaufiner un courrier de la plus grande importance... Rihanna n'attend pas !
RépondreSupprimer2007-2012 22 universités en faillite. Aucune aujourd'hui. Budget en hausse. Votre lettre est truffée de contre-vérités, d'approximations et ne répond pas aux exigences scientifiques qu'on attend de nos étudiants de 1ère année.
RépondreSupprimerBonsoir cher anonyme.
SupprimerIl est peu élégant de critiquer sous couvert d'anonymat mais qu'importe.
"Aucune université en déficit"? Vraiment? Et je vous répondrai en citant le discours du président aujourd'hui : "à quel prix" celui d'une baisse historique des postes (-5000 postes d'enseignants entre 2012 et 2015 selon les chiffres de Najat Vallaud Belkacem, source Série Repères et Statistiques).
Pour le reste n'hésitez pas à m'indiquer ces "contre-vérités" au lieu de m'insulter. Je vous publierai.
cordialement