Plusieurs
candidats aux primaires ou directement à la présidentielle sortent leurs
programmes pour l'ESR. Il m’a semblé utile d’en proposer ici une première
synthèse, même si toutes et tous ne se sont pas encore exprimés,
loin de là.
J’ai volontairement cherché à me limiter aux programmes sans
revenir sur les déclarations que les uns, les unes ou les autres ont pu faire
par le passé parce que le programme est un acte fondateur, l’expression aboutie
d’un projet pour la France.
Le nez dans le guidon
Et
justement, ou plutôt malheureusement, au-delà des déclarations de principe pour « choisir l’objectif du progrès humain »
(Jean-Luc Mélenchon) et des formules convenues sur « l’attention soutenue » dont doit bénéficier le SUP (Alain
Juppé), la nécessité de le « redynamiser »
(Marine Le Pen), de « retresser le contrat rompu entre les universités et la nation » (Emmanuel Macron), d’ouvrir « l’acte
II de l’autonomie des universités » (Bruno Le Maire, Nicolas Sarkozy),
en redonnant une « liberté aux
universités » (Nicolas Sarkozy),
les candidats ne proposent pas de vision d’ensemble pour l’avenir de l’ESR.
On
retrouve ici la critique récurrente adressée à la classe politique : une
sensibilité exacerbée au fait-divers et à l’actualité et un manque de recul, de
distanciation, bref de réflexion. Les candidats présentent des catalogues plus
ou moins fournis de remèdes pour traiter tel ou tel symptôme dont le patient
serait atteint, selon eux, sans s’interroger de façon plus globale sur les
missions qu’ils assignent au SUP et à la recherche. C’est en creux, entre
silences et injonctions, que l’on cherche le plus souvent à discerner leurs projets pour l’ESR et
cela n’a rien de rassurant pour l’avenir.
Malaise socialiste
Le
deuxième constat c’est le silence de la Gauche. Bien sûr on l’espère
provisoire. Jean-Luc Mélenchon a choisi d’associer les français à l’élaboration
de son projet. Les propositions sur l’éducation, le SUP et la recherche sont
nombreuses. Deux universitaires, un économiste et une juriste, sont chargés
d’en dégager une synthèse. C’est un des rares candidats à partir d’une
réflexion sur les missions du SUP, mais le détail des mesures reste à préciser
et le programme n’est pas finalisé.
François
Hollande, Manuel Valls ou Emmanuel Macron n’étant pas officiellement en
campagne, il faudra également attendre leurs programmes. Mais ce qui
inquiète tout de même c’est que la plupart des candidats socialistes ou apparentés, déclarés ou potentiels, se sont déjà largement exprimés sur les questions d’éducation sans jamais
évoquer le SUP ou la recherche.
S'il n'a pas encore de programme, Emmanuel Macron est le seul à avoir présenté un projet pour l'université lors d'une intervention devant la CPU. Son mouvement « EnMarche », s’intéresse également à la lutte contre l’illettrisme ou la fracture numérique. Marie-Noëlle
Lienemann écrit une lettre aux enseignants et à la communauté éducative dans
laquelle elle qualifie, par exemple, la réforme du collègue par Najat Vallaud
Belkacem de « contre-exemple de la
méthode à suivre », mais sa réflexion se limite à l’école et aucune
proposition n’est faite sur le SUP. Même approche limitée à l’école pour Manuel Valls ou Arnaud Montebourg.
Quant
à François Hollande, pas une fois il ne mentionne les universités dans le discours qu’il a consacré à la formation tout au long de la vie, et dans celui prononcé devant la Fondation Jean Jaurès on ne trouve qu’une phrase peu inspirée : « il reste beaucoup à faire pour démocratiser
l’excellence, pour valoriser l’enseignement professionnel, et pour ouvrir
davantage l’enseignement supérieur »… maigre butin.
Mais
le silence le plus assourdissant reste celui de Benoit Hamon, ancien ministre
de l’éducation qui, pour l’heure ne fait pas une seule proposition sur le sujet.
C’est à se demander si les questions éducatives ne se sont pas transformées
chez lui en psychose.
Là
où Nicolas Sarkozy propose sans complexe de faire la même chose pour réussir
lors de son prochain mandat ce qu’il a raté durant le premier, les prétendants socialistes sont muets, comme pétrifiés. Désintérêt ? Constat
d’impuissance ? Honte à assumer un bilan catastrophique ? Ce silence,
en tout cas, laisse libre court à la Droite et à l’extrême Droite pour avancer leurs
propositions.
Experts ou citoyens
La plupart
des projets sont écrits à plusieurs mains. Comme Alain Juppé, Jean-Luc
Mélenchon revendique une participation citoyenne, mais il publie l’identité des
contributeurs là où les autres taisent les noms de leurs conseillers.
Les candidats s’honoreraient, pourtant, à publier la liste de leurs principaux « experts » et la Démocratie aurait tout à gagner à cet effort de
transparence.
Ce
n’est pas faire injure à Bruno Le Maire que de penser à la lecture de son
« contrat présidentiel » qu’il n’est pas devenu soudain ce spécialiste du modèle SYMPA (Fiche ED8, p.
344), du statut des PUPH (p. 51 et fiche SAN10 p. 880), des CFA et des masters
MEEF (Fiche ED5, p. 328). Il y a du Darcos dans ce programme là !
De même,
il est permis de douter qu’Alain Juppé se soit soudain passionné tout seul pour
les BAIP (p. 14) ou la mise sur DVD des cours à l’université de Grenoble 1 (p.
32, note 22).
Un
effort de transparence serait d’autant plus facile à faire, que le
« style » des experts mobilisés n'échappe pas à l'oeil averti. On s’étonne ainsi
de la faute d’orthographe sur le nom de l’université Jiao Tong dans le
programme d’Alain Juppé (p. 15), lui qui compte parmi ses conseillers de grands
spécialistes du SUP en Chine.
Pour le reste, on retrouve chez Alain Juppé comme
chez Nicolas Sarkozy, notamment, les vieilles lunes du « Groupe Marc Bloch » et du lobby
bien abîmé des économistes orthodoxes qui continuent de ratisser large pour préserver
leurs intérêts et leur mainmise sur l’ESR .
A titre préventif on pourrait d’ailleurs suggérer à Vincent Berger d’éviter de
parler du MIKADO dans le futur projet d’Emmanuel Macron, il serait vite repéré.
A suivre…
L’organisation
de l’ESR
La
sélection à l’université
Les
droits d’inscription
La
PACES
Non-dits
et approximations…
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