Dans son avis du 10 février 2016, le Conseil d'État fixe d'abord un principe général sur la sélection en master avant d'en tirer les conséquences dans le cas particulier des universités. Si on a retenu immédiatement les conséquences pour les universités, il ne semble pas que tous les acteurs de l'enseignement supérieur aient compris la portée réelle du principe posé pour tout le SUP, y compris les écoles dont le recrutement est entièrement basé sur une sélection par concours ou dossier.
Le principe posé est simple: la sélection n'est possible pour l'accès à une formation de 2ème cycle au terme de laquelle est délivré le grade de master ou pour la poursuite d'études dans cette formation que si elle figure sur une liste établie par décret après avis du CNESER. Or ce décret n'a jamais été pris.
La règle vaut pour toutes les formations permettant la délivrance du grade de master et elles sont nombreuses. Elles figurent à l'article D.612-34 du code de l'éducation. On y trouve les diplômes d'ingénieurs, de Science Po et des autres IEP, de Dauphine et les diplômes des écoles de commerce visés par l'État.
Pour ces dernières, plusieurs listes ont été publiées au Bulletin officiel en juillet et septembre 2014 avec la liste des formations concernées en annexe. On retrouve les programmes Grande École de HEC, de l'EM Lyon, Audencia, Skema, l'ESCP, l'INSEAD, etc. L'accès à toutes ces formations se fait sur concours, BCE, Écricome, Passerelle, qui permettent d'entrer dans le "cycle" de master. Or en l'absence de décret autorisant ladite sélection ces concours ne sont plus possibles. C'est exactement la même conséquence que pour les universités: même si un arrêté prévoit l'accès sur concours, cet arrêté ne peut "avoir légalement pour objet ou pour effet de permettre de limiter l'admission des candidats" dès lors qu'il manque le décret préalable.
Certes, depuis plusieurs années, les concours d'accès aux programmes grande école ne "sélectionnent" pas les étudiants. Presque tous les étudiants qui présentent les concours obtiennent une place en école de commerce. Mais ces concours sélectionnent les écoles et la pression sur les plus prestigieuses va être considérable.
Un deuxième problème doit être souligné, celui de la poursuite d'étude. C'est la difficulté que rencontre les universités avec la sélection en M2, mais c'est un problème que vont rencontrer aussi les écoles qui, comme les écoles d'architecture, limitent le nombre de redoublements.
Le Diplôme d'État d'architecte donne le grade de master. L'organisation de la formation était prévue par un décret du 30 juin 2005 aujourd'hui codifié à l'article R672-5 du code de l'éducation, et un arrêté du 20 juillet 2005 qui prévoit, dans son article 5 al.2 un numerus clausus qui, là encore, ne peut se justifier, faute de décret. Par ailleurs, les règlements des études des écoles d'architectes n'autorisent pas plus d'un redoublement dans la formation ce qui n'est toujours pas conforme à l'avis du Conseil d'État qui considère que la règle vaut tant à l'entrée dans le cycle que durant le cycle. Un étudiant qui échoue peut se réinscrire sans limite de durée comme c'est maintenant le cas, hélas, à l'université.
Finalement c'est tout l'édifice du cycle 2 dans le supérieur qui est remis en cause par cet avis et il faut l'optimisme, un peu inquiétant, d'un Thierry Mandon pour considérer que cet avis "sécurise les parcours de réussite en master"! Je n'y aurais pas pensé.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire