Je commencerai cette nouvelle chronique en citant la déclaration de Mme
Blandin devant le Sénat : « Désormais,
en France, on encadre le fonctionnement de l’université dans les lois
agricoles... »
Et bien oui ! Après avoir bafouillé sur un texte rédigé par je ne
sais qui devant l’Assemblée Nationale en janvier, c’est à coup de « D’après ce que l’on m’a expliqué » et de
« si j’ai bien compris » que
Stéphane Le Foll, toujours ministre de l’agriculture du nouveau gouvernement Valls,
a fait modifier la LRU2 Fioraso votée en juillet dernier [voir
l’intervention du ministre : JO déb. Sénat, 15 avr. 2014, p.3132].
« On » lui a donc dit, à M. Le Foll, que la LRU2 de Mme Fioraso
était mal fichue. « On » lui a dit qu’il fallait la changer et il pense
donc qu’il faut la changer, M. Le Foll, même s’il ne sait pas vraiment
pourquoi. Mais si « on le lui a dit » à M. le ministre de
l’agriculture, c’est « qu'on » a une bonne raison…
Il
n’aurait pourtant pas été inutile que M. Le Foll cherche à comprendre ce « qu’on »
lui demandait de défendre car les modifications en question n’ont rien
d’anecdotiques. Que supprime le texte pastoral
dans le code de l’éducation ?
D’abord
il supprime une bourde monumentale de Mme Fioraso que la technicité de la
rédaction juridique ne permet pas de cacher : pour le fonctionnement des
COMUEs la LRU2 de Mme Fioraso renvoyait à des chapitres… introuvables !
L’article
L.718-7 voté en juillet dernier prévoyait d’appliquer aux COMUES : « les
chapitres Ier, III et IV du livre VI de la présente partie » ; un jeu de piste qui ne débouche... sur rien.
Le
Livre VI de la troisième partie législative du code de l’éducation compte en
effet 8 « titres » et donc 8 « chapitres 1er », 7 « chapitres III » et 5 « chapitres IV » ! En plus, ces dispositions n’ont absolument rien à voir avec les établissements
d’enseignement supérieur, elles concernent l’organisation des enseignements.
C’est
en réalité au Livre VII du code de l’éducation qu’il fallait renvoyer ; quand on utilise des chiffres romains, il ne faut pas se tromper dans les bâtons... Le titre 1er du livre VII s'applique bien aux EPSCP avec un chapitre 1er consacré aux « principes
d’autonomies » des EPSCP, le chapitre 3 aux «composantes des
universités » et un chapitre 4 aux « services communs ». Voilà
au moins une correction pertinente et c’est bien connu, il n’y a que les
imbéciles qui ne font pas d'erreur.
Ensuite,
et cette fois il s’agit d’une modification substantielle, le texte supprime le
seuil posé en juillet par le Parlement pour la constitution des listes de
candidats au conseil d’administration. Pour garantir un minimum de
représentation des différents établissements membres, le Parlement avait exigé
que les listes de candidats « assurent
la représentation d’au moins 75% des établissements membres ». Dans
une COMUE avec 5 universités et 6 organismes de recherche, il fallait que les
listes enseignants, IATOSS et étudiants comprennent chacune des candidats issus
de 4 universités. Dans l’hypothèse où se grefferaient
2 écoles, il fallait que les candidats
proviennent d’au moins 6 établissements sur 7.
Tout
cela n’est plus nécessaire avec la nouvelle rédaction. Les listes peuvent être
constituées exclusivement de membres d’un établissement. Organiser une
confrontation inter-établissements quand on prétend construire dans les COMUEs
une stratégie de site partagée, il fallait oser !
Et pour être certain de compliquer les choses,
le nouveau texte aligne le régime électoral du
Conseil académique sur celui du conseil d’administration de la COMUE ce qui
permet d’avoir deux fois le même problème au lieu d’une seule. Quand « on » est incompétent et que « l'on » ne sait
pas rédiger des lois, c’est jusqu’au bout.
Cette
nouvelle affaire illustre jusqu’à la caricature toutes les dérives de ce
gouvernement.
Vous retrouverez d’abord l’incompétence de feu le Ministère de
l’enseignement supérieur et de la recherche devenu secrétariat d’État qui fait
voter une loi au mois de juillet 2013 et s'aperçoit au mois de janvier 2014
qu’elle est inapplicable.
Vous retrouverez ensuite la vacuité du travail parlementaire puisqu'aucun des deux rapporteurs socialistes de la LRU2, M. Feltesse à l’Assemblée Nationale et Mme Gillot au
Sénat, n'ont été capables d'alerter les 577 députés et 348 sénateurs sur le fait qu'ils votaient des règles introuvables !
Vous retrouverez encore, de la part du gouvernement, le
mépris affiché pour le Parlement puisque l’amendement vient supprimer un
correctif heureusement apporté par les sénateurs à la loi LRU2 et approuvé par
l’Assemblée Nationale. Sans même parler du mépris qui touche également l'enseignement supérieur puisque la suppression des
dispositions votées est réalisée dans le cadre de la loi portant « avenir
pour l’agriculture ».
Vous retrouverez surtout les mensonges du lobby qui entoure Mme Fioraso pour satisfaire une stratégie clientéliste à courte vue qui sert de politique depuis bientôt 2 ans. C'est en effet au prétexte que la règle des 75% rendrait les COMUEs ingouvernables que le gouvernement a justifié sa suppression.
Le MESR expliquait ainsi à l’AEF au mois de janvier dernier que « Les travaux d’application de la loi et le travail avec les présidents d’université et de COMUE [avaient] montré le caractère quasiment inapplicable de la clause des 75% ». Le ministère donnait même des exemples au journaliste de l’AEF et précisait : « Pour une COMUE à 10 membres il faudrait 32 élus et donc 64 membres. Pour Saclais (22 membres), il faudrait 68 élus et donc 140 membres ». De telles affirmations sont de purs mensonges.
Mensonge d'abord, « le travail avec les présidents d’université et de COMUE ». Les présidents d’université n’ont jamais été saisis de la question, ni avant, ni après l’adoption de la loi. Quelques copains de la ministre, dont certains sont ou ont été présidents d’université ou de COMUE, l'ont par contre très certainement sollicitée ; ce n'est pas la même chose.
Mensonge surtout quand le MESR affirme que la règle des 75% rend les conseils pléthoriques et qu'il prétend que, pour une COMUE à 10 membres, il faudrait 32 élus et donc 64 membres. C'est faux.
Le code de l'éducation ne fixe pas un nombre minimum d'élus par établissement membre. Il n'impose pas non plus d'avoir autant de membres nommés que de membres élus. Il précise au contraire que les nommés doivent représenter « au moins » 30% des membres (et non la moitié) et les élus « au moins » 50% dont la moitié dans le collège des enseignants-chercheurs.
Surtout, la règle des 75% ne s'appliquait qu'aux « établissements » et non aux « membres» comme le prétend faussement le ministère. Or dans les COMUEs, le code de l'éducation distingue les « établissements » et les « organismes » de recherche (art. L.718-2 et L.718-8 al. 1, c. éduc.) et seuls les premiers disposent d'élus.
Une COMUE de 10 membres dont 5 organismes de recherche doit compter au minimum 16 élus et le conseil d'administration peut être constitué avec seulement 23 membres. Nous sommes bien loin des 64 membres minimum affichés par le MESR et de la configuration pléthorique qui affole M. Le Foll!
Voici un exemple de CA pour une COMUE de 10 membres dont 5 organismes de recherche parfaitement conforme à l'article L.718-11 du code de l'éducation :
- représentants nommés des établissements : 0
- personnalités qualifiées : 3
- personnalités extérieures : 4
- enseignants chercheurs : 8
- autres personnels : 4
- usagers : 4
Pourquoi un tel mensonge? Peut-être à cause de Saclay. Le lobby qui fait de Saclay l'alpha et l'oméga de l'ESR et l'avenir de la politique industrielle de la France autour du nucléaire ne se retrouvait pas dans la loi LRU2. Et le MESR l'expliquait à l'AEF : « Pour Saclay (22 membres), il faudrait 68 élus et donc 140 membres ». Non, le code de l'éducation n'obligeait pas à constituer un CA de 140 membres à Saclay. Avec 12 établissements et 7 organismes de recherche, le CA de Saclay pouvait avoir 52 membres (voir la simulation ci-dessous). Mais les organismes de recherche influents auprès de la ministre comme le CEA voulaient être mieux représentés dans le CA pour conserver leur contrôle. Cela obligeait à augmenter le nombre de personnes nommées par rapport aux élus et donc la taille totale du CA. Alors il fallait modifier la loi quitte à mentir une fois encore aux français.
à suivre...
Proposition de CA pour Saclay
à suivre...
Proposition de CA pour Saclay
- représentants nommés des établissements : 0
- personnalités qualifiées : 8
- personnalités extérieures : 8
- enseignants chercheurs : 18
- autres personnels : 9
- usagers : 9
- usagers : 9
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