vendredi 15 février 2013

Projet de loi Fioraso : les universités exclues de la stratégie nationale de la recherche


Dès son entrée en fonction, la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche a multiplié les maladresses vis-à-vis du monde universitaire ; maladresse dans le choix de son équipe qui traduisait une adhésion à la LRU quand la grande majorité des universitaires attendait un changement promis par le candidat Hollande, maladresse dans ses relations avec les présidents d'universités et les partenaires sociaux, maladresse encore accrue par sa méconnaissance manifeste des enjeux de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Ces maladresses auraient pu être évitées, ou du moins corrigées ; c'est l'inverse qui s'est produit. Les maladresses du début se sont muées en dédain pour les universités, leurs étudiants et leurs personnels. Il suffit de lire les articles 3 et 11 du projet LRU2 que la ministre doit présenter au CNESER les 18 et 19 février pour s'en convaincre. Ils écartent les universités de la réflexion sur la politique nationale de la recherche en France.


L'article 3 du projet prévoit d'ajouter un alinéa 2 à l'article L123-1 du code de l'éducation ainsi rédigé : "une stratégie nationale de l'enseignement supérieur est élaborée et révisée périodiquement sous la responsabilité du ministre chargé de l'enseignement supérieur. Les priorités en sont arrêtées après une concertation étroite avec les partenaires sociaux et économiques, la communauté scientifique et d'enseignement supérieur, les autres ministères concernés et les collectivités territoriales".

Quant à l'article 11 il modifie ainsi l'article L.111-6 : "une stratégie nationale de la recherche est élaborée et révisée périodiquement sous la coordination du ministre chargé de la recherche. Cette stratégie vise à répondre aux défis scientifiques, technologiques et sociétaux. Les priorités en sont arrêtées après une concertation étroite avec la communauté scientifique, les partenaires sociaux et économiques, les autres ministères concernés et les collectivités territoriales".

Le juriste que je suis se plaindra d'abord de la médiocrité de la rédaction de cette LRU2 puisque les termes de "communauté scientifique" sont utilisés dans deux sens différents à la fois pour désigner l'ensemble des acteurs de la recherche en France... et les PRES régionaux actuels! Lorsque l'article 39 du projet de loi prévoit que "la communauté scientifique est un EPSCP" de quoi parle le gouvernement?  D'un PRES? De la recherche française avec comme perspective de transformer le CNRS en EPSCP? La rédaction d'une loi mérite un minimum d'attention.

Sur le fond, on note immédiatement l'apparition des collectivités territoriales dans la liste des acteurs de l'ESR, et l'inversion hiérarchique des interlocuteurs pour l'enseignement supérieur. La "communauté scientifique et d'enseignement supérieur" n'est plus l'interlocuteur prioritaire, ce rôle étant dévolu aux "partenaires sociaux et économiques".

Mais ce qui choque surtout, c'est la suppression de la "communauté d'enseignement supérieur" dans la définition de la stratégie nationale de la recherche. Alors que la recherche participera à la définition de la stratégie en matière d'enseignement supérieur, l'enseignement supérieur ne participera pas à la définition de la politique de recherche!

Aucun gouvernement n’avait osé une telle discrimination de l’enseignement supérieur. Ce n'est pas seulement absurde, c'est méprisant pour les universités, leurs étudiants et leurs personnels.

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