Je commencerai cette troisième chronique sur la réforme de la
licence par des remerciements. Depuis que je tiens ce blog, j'ai pris
conscience des deux principales difficultés de l'exercice : le temps et la
solitude. Des deux, la solitude est la pire. Personne pour vous relire, vous
contredire, compléter votre propos avant qu'il ne soit public (je viens d'en faire l'amère expérience avec la première version de cette chronique...supprimée). Cela m'a fait
apprécier les conseils scientifiques et les secrétariats de rédaction des
revues académiques qui réagissent et vous assistent avant publication. Seul on
ne va pas très loin et c'est la raison pour laquelle je voudrais remercier ces
lecteurs qui m'écrivent pour me signaler une erreur, une interrogation, ou même
m'alerter sur un aspect du dossier que je n'avais pas envisagé.
S'agissant de la réforme du SUP je remercie tout spécialement le
collègue qui, peu familier des réseaux sociaux, prend la peine de me signaler
des biais qu'à ma connaissance les "experts" du dossier n'avaient pas
anticipés, et dont je n'avais pas conscience. C'est ce collègue qui m'a alerté
sur le silence stratégique du ministère à propos de la hausse des frais
d'inscription.
Le gouvernement a beaucoup communiqué sur un gain de pouvoir
d'achat : il concernera peu d'étudiants. Les boursiers ne gagneront rien et pour d'autres, la réforme se traduira par une augmentation
des frais d'inscription. Pour les bacheliers de moins de 20 ans non
boursiers la hausse sera, nous l'avons indiqué, de 17,06%. Pour
les doctorants salariés qui ne payaient pas la sécurité
sociale étudiante, la hausse atteint 27,04% ! D'autres
catégories d'étudiants, les réfugiés, les étudiants mariés ou Pacsés ou vivant
maritalement avec un/une partenaire non étudiant, bref ceux qui, non
boursiers, bénéficient d'une inscription gratuite à la sécurité sociale
étudiante ou d'une dispense sont susceptibles de voir leurs frais d'inscription
augmenter.
Interrogé à ce sujet, le président de La FAGE affirme sur twitter que
les moins de 20 ans seront exonérés.
C'est un scoop car...ce n'est pas inscrit dans le projet de loi...
Jeudi après-midi, le ministère a corrigé le dossier de presse distribué
lundi. Vous trouverez ici la version diffusée aux journalistes et là la
nouvelle version. Les erreurs de calcul les plus grossières sont corrigées, mais pas un mot n'a été ajouté pour annoncer l'exonération promise par La FAGE. Et le calcul est toujours faux...
Notre collègue attire en effet mon attention sur un autre aspect de la
réforme : pour certains, les impôts vont augmenter réduisant d'autant le gain annoncé ! En effet, les cotisations
de sécurité sociale étudiante sont déductibles des impôts lorsque le cotisant
ne dispose pas de revenus professionnels, qu'ils soient ou non rattaché au
foyer fiscal de ses parents. Le Ministère des finances le rappelle ici. Et comme la disposition ne concerne que les
assurances obligatoires et non la nouvelle "cotisation vie étudiante" la
déduction ne sera plus possible. Plus d'assurance obligatoire, plus de
déduction fiscale! Il faudrait une disposition spécifique dans le projet de loi
pour permettre la déduction fiscale de la nouvelle contribution.
L'impact de la mesure est loin d'être neutre. En moyenne, la charge supplémentaire sera
de 30 à 70 € selon le taux marginal d'imposition des familles. Elle touchera cette fois tous les étudiants qui paient, ou dont les
parents paient, des impôts et qui cotisaient à la sécurité sociale étudiante.
Pour reprendre les exemples du ministère « Prune », en
L3 non boursière, ne va pas économiser 178,10 € comme le prétend le dossier de
presse corrigé, mais entre 148,10 € et 108,10 €. Gabriel, étudiant en master non
boursier ne fera pas une économie annuelle de 118,10 €, mais entre 88,10 € et 48,10 € seulement selon son taux marginal
d’imposition ou celui de ses parents. Pas toujours de quoi compenser la baisse
des APL.
En résumé la réforme aura un coût pour les étudiants de moins de
20 ans, elle ne fera rien gagner aux étudiants boursiers, et ne compensera pas
toujours la baisse des APL pour les autres. Quand la ministre prétend redonner
100 millions de pouvoir d’achat supplémentaire aux étudiants, elle se leurre ; au mieux. Et là aussi il faudrait corriger le dossier de presse.
Vous me direz que je suis mesquin, que c'est un détail au regard
de l'ambition de la réforme. Pour qui est aisé cela n'est rien. Pour les
classes moyennes après la baisse des APL la facture commence à être salée.
Dans News Tank (abonnés), avec un art consommé de la litote,
Mathias Bernard, le président de l'université Clermont Auvergne qui s'exprimait
au nom de la CPU évoque, à propos de la perception de cette contribution par
les CROUS, "une décision qui ne semble pas mûrie". Il semble
bien que ce soit tout le régime de cette nouvelle contribution qui ne soit pas
mûri!
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Post Scriptum : si le ministère me lit, tant qu'à y être j'ai un lot d'erreurs à corriger. Dans le Décret de 1984 sur les enseignants-chercheurs par exemple : le droit de veto du CA sur les nominations ne débouche plus sur rien...
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Post Scriptum : si le ministère me lit, tant qu'à y être j'ai un lot d'erreurs à corriger. Dans le Décret de 1984 sur les enseignants-chercheurs par exemple : le droit de veto du CA sur les nominations ne débouche plus sur rien...
Eh oui, Yann, la solitude du blogueur de fond (chronique de 2014) https://histoiresduniversites.wordpress.com/2014/03/12/la-solitude-du-blogueur-de-fond/
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