Alors que prend fin la Coupe du Monde, C’est une confrontation d’un niveau particulièrement élevé qui
s’est déroulée à l’Assemblée Nationale le 10 juin dernier sur la question de la
sélection en master. D’abord passée inaperçue, elle a finalement mis le ministre en difficulté et ouvre des perspectives inquiétantes pour les étudiants.
Geneviève
Fioraso, déjà interrogée sur le sujet le 3 juin, avait été éliminée en
demi-finale face à un adversaire courageux mais qui manquait manifestement de
préparation sur le 3-5-8, le LMD. C’est fort logiquement que l’on
retrouvait en finale Patrick Hetzel, député UMP et ancien DGESIP de Valérie
Pécresse et Benoît Hamon, actuel ministre de l’éducation, de l’enseignement supérieur
et de la recherche.
Entre
le premier qui n’a rien fait sur le sujet pendant les 4 années durant
lesquelles il dirigeait l’enseignement supérieur et le second qui n’a pas
l’intention d’en faire plus le temps que durera son ministère, le match s’annonçait
serré; il tint toutes ses promesses. La question de Patrick Hetzel était perfide,
la réponse du ministre d’une vacuité sidérale.
Jaillissant
des questions au gouvernement, Patrick Hetzel demanda « quand et comment » le ministre
comptait « procéder pour déplacer la
sélection de l’entrée du M2 vers l’entrée du M1 ».
M.
Hetzel jouait là une partie qu’il connaît parfaitement. En 2006, après le
mouvement de grève contre le CPE, Patrick Hetzel a dirigé une Commission du Débat National Université-Emploi
(Dominique de Villepin était premier ministre ; on reconnaît son style) qui
proposait de « Ramener la sélection
en début de M afin de supprimer la rupture entre M1 et M2 et encourager une
continuité de cursus » (De l'université à l'emploi : rapport final dela Commission du débat national Université-Emploi, p. 47). Régulièrement, depuis qu’il est député, il
relance la question, comme, par exemple, lors de la discussion de la LRU2 de
Mme Fioraso (amendement n°174 sur l’article 19 additionnel, 23 mai 2013, 3ème
séance). Il faut donc reconnaître à M. Hetzel une certaine constance. Mais, lorsque
l’on a de telles convictions, il est d’autant plus regrettable de les oublier
justement au moment où on est en capacité de les porter.
Devant
l’attaque, le nouveau ministre de l’éducation, de l’enseignement supérieur et
de la recherche montre toute l’étendue de son jeu. Il détourne brillamment la balle dans une langue de bois des plus pures où le poids des mots et
l’accumulation de superlatifs masquent le néant du discours et l’ absence
totale de projet.
Le ministre reconnaît devant la Représentation Nationale l’importance de la question.
Nous sommes face à une « survivance »,
il est « absolument nécessaire de
faire évoluer cette mesure » car la sélection en M2 est « inadmissible »…
L’auditeur
retient son souffle : que va annoncer le ministre ? Et bien il
annonce une « approche globale de
l’accès au master », une approche (bis) visant « à associer le point de vue des syndicats
enseignants et étudiants ».
- Oh !
- Ah !
Et pourquoi
faire ?
- Justement ! Pour « tirer
les conséquences de cette survivance [bis] qui ne satisfait personne et qui nécessite d’être réformée »...
- Mais
il est Pour ou Contre la sélection en M1 le Ministre ?
- Il est d’accord ou
pas avec M. Hetzel ?
Pas de réponse.
M. Hamon met fin à la partie en
répondant à M. Hetzel « Vous
préconisez d’autres solutions » sans plus de précisions, un peu comme
un footballeur qui soudain ramasserait le ballon et rentrerait au vestiaire
avant que l’arbitre siffle la fin du match.
L’avantage
de la langue de bois, c'est qu'elle permet de dire tout et son contraire. C'est aussi le risque car, la surprise passée, ceux qui s'étaient réjouis de la réponse du ministre se sont inquiétés. Et si, finalement, « tirer les conséquences de cette survivance qui ne satisfait personne et qui nécessite d’être réformée » cela signifiait la sélection à l'entrée en master comme le réclament nombre d'universitaires depuis 10 ans?
Benoît Hamon ne pouvait pas laisser croire qu'il allait réformer l'enseignement supérieur! Très vite les communiqués se multipliaient pour expliquer qu'il était hors de question d'instaurer la sélection en M1. Et comme cela ne suffisait pas pour apaiser une UNEF qui cherche à faire croire qu'elle a encore une influence sur les campus, le ministre en rajoutait une couche: non seulement il n'y aurait pas de sélection en M1, mais la sélection en M2 était inacceptable! C'est facile la démagogie quand on est ministre.
Mais quelles seront les conséquences prévisibles des déclarations à courte vue de M. Hamon? On sait que les masters professionnels ne sont pas conçus pour former plus d'une vingtaine d'étudiants et que dans les masters recherche, il est de plus en plus difficile d'avoir un directeur de mémoire. Comment faire si tous les étudiants admis en M1 doivent être accueillis en M2?
En coulisse, certains au ministère ont déjà suggéré la réponse. Puisqu'ils méprisent les universités et leurs formations les voici qui imaginent d'ouvrir des parcours « voie de garage ». Il y aurait ainsi les « parcours d'excellence » et ceux destinés à accueillir les autres étudiants. C'est méprisant, mais on a l'habitude. C'est aussi oublier qu'un master, pour un enseignant-chercheur, ce sont des heures de travail pédagogique et administratif non reconnu ; pas si simple de trouver des volontaires.
Le scénario le plus probable n'est pas celui-là. Il est plus proche de ce que l'on constate déjà dans les disciplines scientifiques qui ouvrent sur l'agrégation. Pour garantir le niveau universitaire au concours ou au master, les collègues remonteront le niveau d'exigence en M1. Tous les étudiants admis en M1 doivent être accueillis en M2? Pas de problème, il suffit de réduire le nombre d'étudiants admis en M1. Ce ne sont plus 40 ou 50 étudiants qui obtiendront leur M1, mais 10 ou 20. Ceux-là en effet seront admis en M2. Quant aux autres, ils concluront leurs études sur un échec et on retrouvera ainsi au niveau master des taux d'échec proches de ceux de la première année de licence.
Encore une belle réussite à mettre au bilan de ce gouvernement, mais que lui importe ? Quand cette évolution sera sensible plus aucun de ceux qui l'auront initiée ne sera ministre. Ils pourront, comme M. Hetzel, sur les bancs de l'Assemblée, faire la leçon au nouveau ministre en lui demandant de résoudre les problèmes qu'ils auront été incapables de traiter.
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