Le Tribunal administratif saisi en référé sanctionne une nouvelle fois l’université de Bordeaux pour avoir refusé d’inscrire un étudiant en M2 alors que le master en question ne figurait pas sur la liste de ceux autorisés à sélectionner leurs étudiants par le décret du 25 mai 2016. L’ordonnance rendue contredit, cela devient une habitude, l’analyse de la DGESIP sur le dossier de la sélection en master.
Dans un courrier du 23 février 2016 adressé au président de la CPU, Simone Bonnafous affirmait : «Le Conseil d’État indiquant que le droit de sélection entre le M1 et le M2 s’applique à des «formations », il convient tout d’abord de préciser que cette notion s’entend d’un nom de domaine et de mention. La sélection telle que visée par le décret concerne la poursuite du cursus au sein d’une même mention et d’un même établissement. L’admission dans un parcours type de formation peut-être restrictive si celle-ci ne s’oppose pas à la poursuite des études au sein de la même mention ». Mme Bonnafous prétendait donc qu’il était possible d’avoir un parcours sélectif lorsqu'il y a un parcours non sélectif dans la même mention. C’est ce que j’appelais la « sélection sans décret », une sélection hypocrite avec au sein d’une même mention un parcours d’excellence sélectif et un « parcours poubelle ». J’alertais toutefois les universités sur la légalité douteuse de ce courrier ; le tribunal de Bordeaux me donne raison.
A priori pourtant, la décision du juge administratif est conforme à la doctrine du ministère. Le tribunal reprend les critères évoqués par Simone Bonnafous et indique que l’étudiant : « ne demande pas à poursuivre sa formation dans une autre mention de master proposée par l'établissement dans lequel il a débuté sa formation en deuxième cycle, ou dans un autre établissement d'enseignement supérieur ». Sauf, et c’est là tout le problème, que le tribunal confond mention et parcours. En consultant le site de l’université de Bordeaux, on constate que la formation en « Ingénierie Financière et opération de haut de bilan » (IFOHB) n’est pas une mention de master comme l’affirme le tribunal, mais un des quatre parcours de la mention de master « Finance » proposée par l’IAE de Bordeaux. L’étudiant a été refusé dans le parcours IFOHB, mais rien n’indique qu’il aurait été refusé dans un autre parcours de la même mention finance !
De là deux interprétations. La première consiste à considérer que le juge administratif s’est trompé et qu’il a confondu « mention » et « parcours » comme d’autres magistrats avaient confondu « grade » et « diplôme » de master. Ce serait un moindre mal, une nième illustration des dégâts causés par le processus de Bologne, l’indécision et la confusion savamment entretenue par tous les ministres depuis 20 ans sur les diplômes, au détriment de la clarté des formations. Toutefois la rédaction de l’ordonnance conduit à écarter cette hypothèse au profit de la seconde : le juge raisonne « à la mention » : tout étudiant de la mention peut continuer sa formation en M2 dans le parcours de son choix. À l’intérieur d'une mention il ne serait donc pas possible de sélectionner dans l'un ou l’autre des parcours si le diplôme ne figure pas dans l'annexe du décret du 25 mai 2016.
Il faudra probablement attendre la décision au fond pour être certain de la solution puisque le président de l’université de Bordeaux qui n’était ni présent ni représenté (mais l'université était-elle seulement informée de la procédure un 2 août ?) n’a pas pu défendre son refus d’inscription devant le juge des référés. C’est toutefois l’interprétation qui nous semble prévaloir et ses conséquences sur les formations les plus prestigieuses des universités vont être importantes, sauf à ce que le ministère modifie le décret sur la sélection en master. Mais à 9 mois des élections il est permis de douter que Najat Vallaud Belkacem, Thierry Mandon et ce gouvernement se préoccupent soudain de l’excellence universitaire.
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