Exemplaire d’abord par la décision courageuse du groupe écologiste de ne pas approuver la loi. D’accord sur la nécessité de faire évoluer la LRU, le groupe écologiste a réalisé un travail considérable pour améliorer le texte et lui redonner un sens, une ambition. A travers les amendements qu’elle a défendu, Isabelle Attard, députée écologiste du Calvados, a voulu réaffirmer le rôle central du service public de l’enseignement supérieur et de la recherche, son indépendance et celle des universités. Ce n’était pas l’objectif du gouvernement et des députés socialistes qui, au contraire, se sont attachés à servir avec zèle les mêmes lobbies, nucléaire, industrie pharmaceutique, transports, agro-alimentaire et communication.
C'est bien à une privatisation et à une régionalisation à marche forcée de l'enseignement supérieur que s'est livré le Parti Socialiste. Mise en concurrence du public et du privé pour l'accréditation des formations, délivrance des diplômes de master par les établissements privés (au prix d'une confusion savamment entretenue par le rapporteur HEC de la loi entre grade et diplôme) première étape avant la possibilité annoncée de donner le doctorat aux établissements privés, intervention du privé dans les comités de sélection et le recrutement des enseignants-chercheurs et même légalisation des conflits d'intérêts avec la création d'un article 43 bis nouveau qui permet aux chercheurs du privé d'intervenir dans les laboratoires publics et prévoit que l'État, dans ce cas, remboursera le salaire aux entreprises dont sont issus ces chercheurs!
C'est bien à une privatisation et à une régionalisation à marche forcée de l'enseignement supérieur que s'est livré le Parti Socialiste. Mise en concurrence du public et du privé pour l'accréditation des formations, délivrance des diplômes de master par les établissements privés (au prix d'une confusion savamment entretenue par le rapporteur HEC de la loi entre grade et diplôme) première étape avant la possibilité annoncée de donner le doctorat aux établissements privés, intervention du privé dans les comités de sélection et le recrutement des enseignants-chercheurs et même légalisation des conflits d'intérêts avec la création d'un article 43 bis nouveau qui permet aux chercheurs du privé d'intervenir dans les laboratoires publics et prévoit que l'État, dans ce cas, remboursera le salaire aux entreprises dont sont issus ces chercheurs!
Durant tous les débats, Mme Anne-Yvonne Le Dain, députée de l’Hérault s'est distinguée dans cette stratégie. Elle est, par exemple, à l'origine d'un amendement visant à supprimer la recherche fondamentale des missions du service public de l'enseignement supérieur "dans toutes les disciplines, notamment les sciences humaines et sociales" (art. L.123-5 du code de l’éducation).
Il s'agissait, soi-disant, de supprimer la distinction entre « recherche fondamentale et recherche appliquée » (amendement 69). Noble dessein peut-être pour certains, mais argument fallacieux quand la rédaction proposée distingue « la recherche, les applications de la recherche et les développements des technologies ». La distinction recherche/recherche appliquée est conservée, seule disparaît la notion de recherche fondamentale qui ne serait plus de la compétence des universités.
La volonté de Mme Le Dain ou de M. Le Déaut, également signataire de l'amendement, est bien de réorienter les universités vers la seule fonction d'organisme de formation professionnelle destiné à répondre aux besoins supposés des acteurs économiques. Nous aurons l'occasion de revenir sur cette vision purement utilitariste qui va de pair avec le mépris des universités affiché par Mme Fioraso et son équipe.
Le scrutin est aussi exemplaire par les contradictions de « l’aile gauche du parti socialiste ». Ainsi Suzanne Tallard, députée de Charente-Maritime, et Jérôme Lambert député de Charente ont apporté leurs voix à la LRU2 alors qu’ils avaient signé le texte « maintenant la gauche » qui dénonce le contrôle des universités « aujourd’hui laissé aux lobbies privés » et exige de revenir sur la LRU. Le projet Fioraso est dans la droite ligne de la LRU de Valérie Pécresse et, comme l'a dit perfidement à la ministre Patrick Hetzel, député UMP et ancien Directeur de l'enseignement supérieur, la LRU avait été "saluée d’ailleurs en son temps par celui qui est devenu votre directeur de cabinet [Lionel Collet NDLR], ainsi que par un autre membre de ce cabinet, Jacques Fontanille". On suivra avec intérêt le vote de Marie-Noëlle Lienemann et des élus de ce courant au Sénat.
Le scrutin aura encore été exemplaire, malheureusement, par la faiblesse des débats qui l'ont précédé. Le gouvernement a d’abord ressorti les vieilles recettes éculées de la communication politique. Comme la droite avait habillé la LRU du terme « d'autonomie » pour empêcher toute critique, le gouvernement socialiste s'est essayé à habiller la LRU2 de l’expression « réussite des étudiants ». Qui serait contre ? Imagine-t-on un gouvernement qui proposerait de promouvoir l’échec des étudiants ?
Mais derrière cet affichage publicitaire il n’y a aucun contenu et, pour ne prendre qu’une illustration, l’investissement pédagogique et administratif des enseignants n’est toujours pas valorisé dans leur carrière ; bien au contraire. Si l'on prétend améliorer la réussite des étudiants peut-être faudrait-il commencer par la reconnaître vis-à-vis des enseignants-chercheurs.
Dès le discours de présentation de Mme Fioraso le ton était donné. M. Issindou, député de l’Isère proche de la ministre assurait la claque ponctuant, pour leur donner un peu de relief, les poncifs du discours ministériel de « très bien ! », « c’est vrai ! », « excellent rapport ! », ou de « cela ne nous étonne pas ! » « quel échec ! », « quel constat d’échec ! » quand la ministre présentait les résultats de la recherche française. Ce n'est pas glorieux, mais c’est à ça que servent les amis.
Les débats ont été pauvres, l’anecdote l’emportant largement sur la démonstration. La ministre semble incapable de toute distanciation de toute conceptualisation. Elle ramène systématiquement toute réflexion à son histoire personnelle qu'elle idéalise largement. Si Salvador Dali déclarait que la gare de Perpignan était le centre du monde, Mme Fioraso fait de sa vie professionnelle à Grenoble l'alpha et l'oméga de l'enseignement supérieur et de la recherche, quitte à l'enjoliver d'ailleurs.
Le CEA (commissariat à l'énergie atomique) pour lequel elle a travaillé et dont son compagnon, Stéphane Siebert, est le directeur adjoint à Grenoble est paré de toutes les vertus et la loi adaptée à ses intérêts. La France, l'Europe, le Monde même seront aussi heureux d'apprendre que « l'école de Grenoble a adopté une charte éthique »... Et quand la ministre cite un scientifique en exemple « il est originaire de l'agglomération grenobloise, mais c'est un hasard - et il a une dimension internationale! ». On l'espère!
Sans dénier leurs mérites à nos collègues grenoblois, ce discours étriqué rappelle la fierté des Longevernes. Mais est-ce avec une vision de clocher que l'on peut assurer l'avenir et le rayonnement de l'enseignement supérieur et de la recherche?
D'autant que Mme Fioraso enjolive largement son passé. Si elle se vante d'avoir « travaillé pendant quelques années en entreprise, dans une start-up » elle oublie de préciser qu'il s'agit de la fameuse société CORYS créée pour le CEA par Michel Destot, le député-maire socialiste de grenoble mentor de Mme Fioraso, société dont nous avons déjà évoqué les déboires judiciaires dans un précédent article.
On apprenait encore que Mme Fioraso a un tableau excel dans son bureau qui montre la dégradation de la situation financière des universités… ce qui ne l’a pourtant pas incitée à régler les dettes de l’État en faveur des opérateurs. Comme un capitaine désemparé, elle regarde le bateau couler, mais ne fait pas grand chose pour sauver les passagers et l’équipage.
La ministre, il faut le reconnaître n'était pas seule à s'illustrer par la faiblesse de ses propos. Pour Mme Le Dain qui par la multitude des amendements retirés à peine présentés devient au cours des débats la risée de l'UMP et parfois de toute l'Assemblée, « le baccalauréat est un bac, un moyen de transport pour faire atteindre l’autre rive aux lauréats».
J'avoue que bien qu’elle siège au conseil d’administration de mon université comme membre de droit représentant la Région Languedoc-Roussillon, je connais mal Mme Le Dain. En 3 ans et plus de 40 séances elle n’a siégé qu’une fois ! Je ne suis d’ailleurs pas le seul à mal la connaître, semble-t-il puisque M. Feltesse, député socialiste rapporteur de la LRU2, l’appelle « Mme Maryvonne Le Dain ». « Je tiens à rappeler que je m’appelle Anne-Yvonne Le Dain" intervient alors l'intéressée avant que la présidente de l’Assemblée conclut : « Je demande donc à l’Assemblée de noter que Mme Le Dain s’appelle Anne-Yvonne ». " (Sourires.)" note le Journal Officiel, mais c'est un rire de dépit et d'amertume devant la futilité des échanges.
Finalement il n'y a qu'une perle à laquelle je rende hommage sans regret, de la présidente Catherine Vautrin : « Mes chers collègues, seul M. Braillard a la parole ! Veuillez le laisser s’exprimer, s’il vous plaît ! » M’appelant Bisiou je sais à quel point il est des noms de famille qu’il vaut mieux assumer, et même revendiquer !
Le scrutin de mardi sur la LRU2 est aussi exemplaire des conséquences politiques de la "sociale-démocratie" que prône François Hollande et le gouvernement de Jean-Marc Ayrault. Mettre en oeuvre une politique de droite quand on se prétend de gauche n'a jamais attiré les voix de la droite, mais fait fuir, de façon certaine, les voix de gauche.
Certes en bonne logique l'UMP et le Centre de M. Borloo auraient dû apporter leurs suffrages au projet de Mme Fioraso puisqu'il s'inscrit dans la continuité de la politique suivie depuis 2007. Mais pour des raisons politiciennes l'UMP comme le Centre ne soutiendront pas un projet "socialiste". A l'inverse les soutiens naturels que pouvaient être le Front de gauche et les écologistes sont contraints de se démarquer d'une politique qui va à l'encontre des valeurs qu'ils défendent.
Ainsi, à force de vouloir servir ses clientèles, Mme Fioraso et le gouvernement ont non seulement échoué à réaliser un consensus sur l’avenir de l’enseignement supérieur, mais ils se sont coupés de la gauche sur ce texte et des électeurs à qui ils doivent leurs maroquins. Les députés socialistes et radicaux ont été les seuls à approuver le texte. La droite s’y est opposée, le centre, les écologistes et la gauche votant contre.
Il n'y a plus aujourd'hui de majorité au Sénat pour cette loi, même amendée. A défaut d'avoir un projet convaincant pour l'avenir de l'enseignement supérieur et de la recherche en France, le gouvernement et Mme Fioraso peut-il se ressaisir et faire preuve d'une certaine lucidité politique en revoyant en profondeur les orientations de cette LRU2? On peut en douter à voir ce qui se passe depuis 1 an, pour les assises nationales ou la préparation du projet de loi. La réponse sera plutôt dans la droite ligne du Congrès de Reims et des mauvaises habitudes du PS avec ses intrigues de courants et ses jeux d'intérêts personnels. L'équipe de la ministre va essayer de "verrouiller" comme elle le fait depuis des mois, jouant sur les réseaux, les clientèles et l'intrigue pour passer en force.
Il devrait être assez facile de convaincre les sénateurs en rupture de ban comme Christian Bourquin, président de la région Languedoc-Roussillon. Exclu du parti socialiste, mais se revendiquant toujours de ce parti, de nouveau condamné par la justice pénale il y a quelques mois, à deux mois d'emprisonnement avec sursis pour favoritisme, plombé par un mauvais bilan à la région où il a succédé à Georges Frêche avec les mêmes travers que la Chambre régionale des comptes vient de dénoncer, M. Bourquin pourrait ainsi trouver dans ce débat des soutiens pour une éventuelle candidature à la mairie de Montpellier.
Il devrait être assez facile de convaincre les sénateurs en rupture de ban comme Christian Bourquin, président de la région Languedoc-Roussillon. Exclu du parti socialiste, mais se revendiquant toujours de ce parti, de nouveau condamné par la justice pénale il y a quelques mois, à deux mois d'emprisonnement avec sursis pour favoritisme, plombé par un mauvais bilan à la région où il a succédé à Georges Frêche avec les mêmes travers que la Chambre régionale des comptes vient de dénoncer, M. Bourquin pourrait ainsi trouver dans ce débat des soutiens pour une éventuelle candidature à la mairie de Montpellier.
Cela ne suffira pas. Le Front de Gauche, plus que la droite, étant considéré comme un adversaire par le gouvernement, la pression sur les écologistes sera très forte et il sera difficile d'y résister. C'est pourtant sur eux que repose en grande partie aujourd'hui l'avenir du service public de l'enseignement supérieur et de la recherche en France.
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