mardi 12 mars 2013

Une promotion qui passe mal


L’AEF annonce que M. Frédéric Guin devrait être promu aujourd'hui en conseil des ministres secrétaire général du ministère de l’éducation nationale et du ministère de l’enseignement supérieur. Il n’est pas certain que l’on doive s’en féliciter.

Enarque, l’homme est compétent et, ce qui n’est pas si fréquent, courtois avec ses interlocuteurs. Mais Frédéric Guin, nommé par Nicolas Sarkozy au poste de directeur des affaires financières des deux ministères le 1er octobre 2009 est celui qui a mis en œuvre le système destiné à réduire les moyens des universités à l’occasion de leur passage aux RCE (responsabilités et compétences élargies). Sous sa direction, les charges qui pesaient sur les universités ont été volontairement sous-estimées pour limiter le transfert des crédits  sur lequel l’État s’était engagé.



Dans un courrier de novembre 2011 qu’il avait co-signé avec Patrick Hetzel, ancien directeur de l’enseignement supérieur et de la recherche et aujourd’hui député UMP, membre de la commission des affaires culturelles et de l'éducation à l’assemblée nationale, il reconnaissait à demi-mot, avec le ton de celui qui est toujours certain d’avoir raison, que le système était conçu pour être défavorable aux universités. C’est ce qu’ils appelaient, avec Patrick Hetzel, une « approche volontairement prudente ». Ils écrivaient : « L’expérience [des premiers années de passage aux RCE] montre que cette approche volontairement prudente garantit la situation la plus favorable pour le conseil d’administration de printemps, dans la mesure où aucun établissement n’est en situation de devoir réviser à la baisse la part masse salariale de sa subvention pour charges de service public et les ouvertures de crédits correspondantes ». Toujours perdantes, les universités ne risquaient pas, en effet, d’avoir à rendre les crédits qu'elles n'avaient pas reçus! Et en plus les conseils d’administration auraient dû remercier M. Guin et M. Hetzel de cette sous-estimation assumée de la masse salariale transférée par l’État !

En faisant l’inventaire des universités en proie à des difficultés financières à cause de cette « approche volontairement prudente », on ne se félicite pas de l’action de la Direction des affaires financières et de son directeur.

Les universités et le service public de l’enseignement supérieur ont été les victimes de cette «prudence», mais l’État et la République n’en sont pas sortis grandis non plus. Non seulement M. Guin et Hetzel ont conçu un système destiné à sous-estimer la masse salariale des universités, mais ils ont obligé les établissements passant aux RCE à présenter des budgets qui étaient faux, insincères pour ne pas reconnaître cette sous-estimation.

Il faut peut-être rappeler ici à ceux qui ne sont pas spécialistes des questions budgétaires, qu’un budget est une prévision construite sur la base des connaissances raisonnables que l’on peut avoir de ses recettes et de ses dépenses. Or les universités savaient, du moins certaines, que les charges qu’elles auraient à assumer étaient bien supérieures à celles que la Direction des affaires financières avait calculées.

Nous avions donc posé la question de la sincérité de notre budget au ministère. Devions nous présenter un budget basé sur notre estimation, sincère, du montant réel des charges, ou fallait-il s’en tenir au calcul sciemment sous-estimé par la DAF ? Bien évidemment, laisser l’université afficher la réalité de ses charges salariales c’était reconnaître que le calcul fait par le ministère était minoré.

La réponse de M. Guin et de M. Heztel était très claire : « Il est demandé à chacun des établissements accédant aux compétences élargies de construire son projet de budget primitif en prenant en compte s’agissant de la part masse salariale de la subvention de l’État, la prévision de dotation initiale relevant précédemment de l’État (ex titre 2) lui ayant été communiquée… ».  Il fallait donc présenter un budget initial mensonger pour sauver les apparences des promesses présidentielles.

La cour des comptes aura de quoi gloser sur ces méthodes, ses conséquences sur la sincérité des comptes publics et l’information du Parlement. En attendant est-il vraiment pertinent de promouvoir ce genre de talents ?

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