mercredi 13 avril 2016

Sélection en master : le nouveau coup de Jarnac du Ministère


Souvent Ministres varient, bien fol est qui s’y fie !
Libre adaptation non sexiste de François 1er

Mise à jour 14 avril 2016 : Ce matin Educpros publie un article évoquant "un décret deux sélections". Je ne partage pas cette analyse qui consiste à considérer que les universités pourraient, grâce au décret, sélectionner les étudiants en transfert d'inscription d'une université à l'autre. Il n'y a pas de double sélection dans ce projet, bien au contraire! Couplé à l'unification des mentions de masters, le futur décret supprime de facto toute sélection en cas de changement d'établissement.

Actuellement les transferts d'inscription entre universités sont régis par l'article D.612-8 du code de l'éducation qui autorise l'établissement d'accueil à ne pas accepter une demande de transfert d'inscription. Aucun critère n'est imposé et l'université peut donc refuser librement un transfert.

Le projet du gouvernement ajoute, pour le deuxième cycle, une règle nouvelle qui autorise les universités à refuser un transfert seulement si les UE suivies en M1 dans la première université ne permettent pas de continuer en M2 dans la seconde. Je doute que, pour des masters ayant, depuis la réforme Fioraso, les mêmes intitulés, les universités puissent refuser un transfert sur ce fondement. Certes elles pourront refuser d'inscrire en M2 Droit privé un étudiant titulaire d'un M1 Chimie, mais je ne vois pas comment il serait possible de refuser un transfert si l'étudiant a un M1 Droit privé d'un autre établissement. Ce n'est donc pas une nouvelle sélection mais un nouvel assouplissement aux règles de transferts que le projet instaure.

Dans quelques mois, lorsque la Gauche aura perdu les élections grâce à François Hollande et au Parti Socialiste, Mme Bonnafous, ses amis, les conseillers de Najat Vallaud Belkacem ou de Thierry Mandon pourront envoyer leurs CV à la HBO ou à Netflix. Avec les rebondissements qu’ils imaginent à une fréquence quasi-hebdomadaire sur la sélection en masters, ils feront des recrues de choix pour les équipes de scénaristes de Game of Thrones ou de House of Cards, à moins qu’ils doivent se contenter d’une nième saison de l’Inspecteur Derrick.

Il y a presque 2 mois, les ministres et Mme Bonnafous écrivaient deux lettres aux universités pour définir le cadrage de la sélection en master. Il y a une semaine Mme Bonnafous, encore, adressait aux universités une première liste ésotérique de masters sélectifs. Les universités qui avaient été mobilisées par la CPU pour dresser l’inventaire de leurs masters sélectifs avaient travaillé pour rien. Pire encore, Mme Bonnafous enjoignait à plusieurs d’entre-elles de réduire le nombre de masters sélectifs provoquant la fureur de certains présidents qui menaçaient de ne pas ouvrir les M2 à la prochaine rentrée.

Aujourd’hui, nouvel épisode avec le projet de décret qui circule largement dans la presse et sur les blogs avant sa présentation au CNESER. Et là nouvelle surprise, ou plutôt coup de Jarnac : le projet de décret modifie le cadrage annoncé.

Dans sa lettre du 23 février, Mme Bonnafous indiquait que les restrictions à la sélection en M2 ne concernaient que  « la poursuite du cursus au sein d’une même mention et d’un même établissement ». En clair, les universités étaient tenues d’accepter en M2 tous les étudiants ayant validé leur M1 dans la même mention du même master, sauf masters sélectifs prévus par décret. En revanche, elles pouvaient sélectionner les étudiants titulaires d’un M1 obtenu dans une autre université, puisque le master est un « cycle » de 2 années. C’est sur la base de ce cadrage que les universités ont travaillé et le ministère également puisqu’il a comparé les effectifs de M1 et de M2 au sein de chaque mention de chaque université.

Mme Bonnafous, toujours, insistait d'ailleurs le 4 avril dans le courrier qu'elle adressait aux présidents d'universités. Elle précisait que la liste de masters sélectifs ne concernait que « les étudiants ayant validé le M1 et qui ne pourraient pas être autorisés à poursuivre en M2 au sein de la même mention au sein de votre établissement ».

Or rien de tel dans le projet de décret qui fuite aujourd’hui. Le texte prévoit les mêmes conditions d’accès en M2 pour les étudiants titulaires d’un M1 de l’établissement ou d’un autre établissement. Les universités sont seulement autorisées à s’assurer que les unités d’enseignement déjà acquises sont de nature à permettre à l’étudiant de poursuivre sa formation en vue de l'obtention du master, sauf pour les masters sélectifs figurant en annexe.

Voilà qui change tout : un étudiant pourra décider de changer d’établissement entre le M1 et le M2 et l’université pourra difficilement refuser son inscription s’il a validé le M1 dans un autre établissement. On imagine les conséquences pour les universités « attractives » mais, au-delà, le problème va se poser à toutes les universités dont un master n’est pas sélectif alors qu’il l’est dans les autres établissements. Pour ne prendre qu’un exemple, les universités qui n’ont pas inscrit la mention Histoire dans les masters sélectifs risquent de se retrouver avec tous les étudiants qui n’auront pas été acceptés par celles dont la même mention sera sélective. Très vite, la règle aura le même effet que les capacités d’accueil qui se sont progressivement généralisées en 1ère année de licence. Rien de bien lisible et beaucoup d’hypocrisie de la part du ministère ; une fois encore.

4 commentaires:

  1. Yann,
    il te manque un s games of throne(s) ...

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    1. voilà ce que c'est que de parler de ce que l'on ne connaît pas ; plus spécialiste du SUP que des séries télé US :-))
      merci!

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  2. OK pour l'hypocrisie du ministère vis-à-vis de ses opérateurs.
    Mais quid de l'hypocrisie de ces opérateurs envers leurs étudiants entrants en M1 lorsqu'ils *oublient* de leur préciser que le passage M1->M2 n'est pas acquis d'avance ....

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  3. Games of thrones c'est (était) d'abord un roman ...
    mais bon pas la peine de s"étendre ...
    :)

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