Pour défendre sa loi contestée,
Mme. Fioraso a décidé de s’inspirer de la « méthode Darcos » en brandissant l’étendard de la défense des
intérêts des étudiants contre le corporatisme universitaire. Et pour faire un
écran de fumée devant la privatisation et la régionalisation des universités,
elle annonce la réforme des masters.
Il y aurait trop de masters, les
intitulés seraient très complexes, les étudiants et les employeurs ne s’y
retrouveraient pas, il faut simplifier… Que les écoles privées qui ont inventé
des « mastères » et des «masters of sciences » se
rassurent ; Mme Fioraso n’a pas l’intention de mettre fin à la confusion. Elle prévoit même dans la LRU2 que des écoles
privées puissent délivrer des masters à travers les «communautés d’universités et
d’établissements ».
Actuellement les masters sont
définis par un nom de « domaine »,
une « mention », une
« spécialité » et un
« parcours ». Peut-être
faut-il rappeler que cette complexité a été introduite par le gouvernement
socialiste de Lionel Jospin dans l’élan du processus de Bologne.
Le décret de
1999 sur le grade de « mastaire » est signé Lionel Jospin et Claude
Allègre, celui du 8 avril 2002 sur le grade de « master » Lionel
Jospin et Jack Lang et l’arrêté du 25 avril 2002 sur le diplôme de master est
signé Jack Lang…
Le système antérieur était
beaucoup plus simple. Des « spécialités »
variées généralement définies par les universités avec les acteurs du monde
socio-économique permettaient de répondre aux différents besoins de
professionnalisation, aux attentes des étudiants et de souligner les points
forts de chaque université et des équipes pédagogiques.
La réforme de Mme Fioraso
consiste à créer des « secteurs »
qui peuvent chevaucher les « domaines »
et à supprimer les « spécialités »
en ne laissant que les « mentions »
agrémentées, dans certains cas, de « parcours ».
Pour la simplicité on repassera…
M. Jolion, ancien conseiller
municipal socialiste et apparenté à la mairie de Villeurbanne, ancien
conseiller scientifique auprès du vice-président socialiste de la région Rhône-Alpes
(le monde est petit), « chef du
service de la stratégie de l’enseignement supérieur et de l’insertion
professionnelle » au ministère et président du comité de suivi du
master a établi une première liste de ces nouveaux masters que l’AEF vient de diffuser.
Un premier constat
s’impose : M. Jolion ne sait pas compter. Pour la physique il annonce 5 ou
11 mentions de master et en
propose 4 ou 12. En Biologie-santé, M. Jolion annonce 21+3 mentions et
en présente 23.
Ce constat se vérifie lorsque M.
Jolion précise dans les principes fondant la nomenclature des intitulés du
diplôme national de master que « sans
viser une normalisation des flux des étudiants inscrits au sein de chaque
mention, ce critère de flux devra être pris en compte afin de viser des
équilibrages ».
Cette novlangue peut avoir deux
sens. A première lecture on croit comprendre qu’il faut tenir compte des
flux pour définir le nombre de
mentions afin d’avoir un équilibre entre les disciplines. Les propositions du ministère
devraient donc aboutir à un ratio à peu près homogène d’étudiants par
mention ; ce n’est pas le cas.
Le nombre d’étudiants par mention varie de 13.679 étudiants dans
l’unique mention «psychologie » à 65 étudiants pour le secteur « théologie »
(le ministère qui ne veut pas heurter les lobbies religieux prévoit 3 mentions
de théologie pour 195 étudiants inscrits en master en France dans ce « secteur »).
Entre ces deux extrêmes
le constat est simple : dans les sciences « dures » le nombre d’étudiants
par mention tourne autour de 600. Dans les humanités il monte à 1.400, dans les
lettres et les langues on dépasse les 3.000 étudiants et pour la gestion les
4.000…
Le tableau à la fin de cet article donne le
détail du nombre d’étudiants par mention à partir des données présentées par le
ministère.
On se dit alors que vraiment M.
Jolion ne sait pas compter, mais la phrase peut avoir un autre sens (c’est tout
l’intérêt de la novlangue). Les masters
2 sont souvent sélectifs. En diminuant le nombre d’intitulés on diminue le
nombre de masters… et donc le nombre d’étudiants. Moins il y a de mentions
dans un « secteur » moins il y aura de masters. C’est un procédé
habile pour réduire le nombre d’étudiants.
Les propositions du ministère
prennent alors tout leur sens. M. Jolion, ancien ingénieur, propose d’aller
jusqu’à 32 mentions en sciences physiques pour l’ingénieur et sciences et
techniques de l’ingénieur mais il n’y aura que 12 mentions pour toutes les
Lettres et les Langues !
Les lettres classiques
disparaissent. Quant aux langues, le ministère ne prévoit même pas d’indiquer
la langue étudiée pour les Langues étrangères appliquées. Il propose des
parcours « Langues et affaires internationales » ou « Langues et
commerce international », mais pas « Anglais » ou
« Allemand». Pourquoi, en effet, préciser la langue n’est-ce pas ?
Pour un étudiant ou un employeur que le diplômé parle anglais, chinois ou
laotien c’est du pareil au même !
Et ce n’est pas le seul domaine
touché. Le management technologique qui permet de former à la gestion les
créateurs d’entreprises innovantes disparaît. Quant au social c’est le grand
oublié. Ni mention «développement social » ni mention
« intervention sociale ». Pourtant ce sont là des secteurs en plein développement qui
recrutent et où le besoin de qualification supérieure est considérable. Mais
pour ce gouvernement socialiste, le social, la littérature, les humanités, les
universités, cela n’a manifestement pas beaucoup d’intérêt.
Quelles seront les conséquences de cette nouvelle réforme? Dans certains secteurs comme la gestion, la concurrence des formations universitaires va s'atténuer au profit des écoles privés facturant plus de 10.000 € leurs diplômes. Mais surtout, le gouvernement n'ayant même pas le courage de ses choix, va laisser les étudiants entrer sans sélection en 1ère année dans des formations qui ne pourront plus les accueillir en master. De quoi dénigrer plus encore les universités dans quelques années.
Quelles seront les conséquences de cette nouvelle réforme? Dans certains secteurs comme la gestion, la concurrence des formations universitaires va s'atténuer au profit des écoles privés facturant plus de 10.000 € leurs diplômes. Mais surtout, le gouvernement n'ayant même pas le courage de ses choix, va laisser les étudiants entrer sans sélection en 1ère année dans des formations qui ne pourront plus les accueillir en master. De quoi dénigrer plus encore les universités dans quelques années.
nombre d'étudiants par mention de master
|
|
secteur
|
nombre d'étudiants par mention
|
Psychologie
|
13679
|
Sciences de l'éducation
|
11160
|
STAPS
|
6395
|
AES
|
4730
|
gestion hors AES
|
4137
|
Lettres-Langues
|
3248
|
Droit
|
2162
|
Mathématique-informatique
|
1889
|
Histoire
|
1417
|
Sociologie
|
1401
|
Sciences politiques
|
1300
|
Géographie
|
1236
|
économie
|
1006
|
Philosophie
|
988
|
Arts
|
965
|
Information-communication
|
838
|
Agrosciences et environnement
|
699
|
Biologie-santé
|
640
|
Chimie
|
559
|
Anthropologie/Ethnologie
|
555
|
SPI-STI
|
413
|
Physique
|
347
|
Théologie
|
65
|
Certes, on ne peut pas se satisfaire de la complexité et de la pléthore de l'offre de masters. Mais il faudrait commencer par considérer enfin le master comme un diplôme en deux ans et donc instaurer la sélection à l'entrée du M1.
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