jeudi 28 mars 2013

Accréditation et réforme des masters : sale temps pour les humanités et la littérature


Pour défendre sa loi contestée, Mme. Fioraso a décidé de s’inspirer de la « méthode Darcos » en brandissant l’étendard de la défense des intérêts des étudiants contre le corporatisme universitaire. Et pour faire un écran de fumée devant la privatisation et la régionalisation des universités, elle annonce la réforme des masters.

Il y aurait trop de masters, les intitulés seraient très complexes, les étudiants et les employeurs ne s’y retrouveraient pas, il faut simplifier… Que les écoles privées qui ont inventé des « mastères » et des «masters of sciences » se rassurent ; Mme Fioraso n’a pas l’intention de mettre fin à la confusion. Elle prévoit même dans la LRU2 que des écoles privées puissent délivrer des masters à travers les «communautés d’universités et d’établissements ».

Actuellement les masters sont définis par un nom de « domaine », une « mention », une « spécialité » et un « parcours ». Peut-être faut-il rappeler que cette complexité a été introduite par le gouvernement socialiste de Lionel Jospin dans l’élan du processus de Bologne.

Le décret de 1999 sur le grade de « mastaire » est signé Lionel Jospin et Claude Allègre, celui du 8 avril 2002 sur le grade de « master » Lionel Jospin et Jack Lang et l’arrêté du 25 avril 2002 sur le diplôme de master est signé Jack Lang…

Le système antérieur était beaucoup plus simple. Des « spécialités » variées généralement définies par les universités avec les acteurs du monde socio-économique permettaient de répondre aux différents besoins de professionnalisation, aux attentes des étudiants et de souligner les points forts de chaque université et des équipes pédagogiques.

La réforme de Mme Fioraso consiste à créer des « secteurs » qui peuvent chevaucher les « domaines » et à supprimer les « spécialités » en ne laissant que les « mentions » agrémentées, dans certains cas, de « parcours ». Pour la simplicité on repassera…

M. Jolion, ancien conseiller municipal socialiste et apparenté à la mairie de Villeurbanne, ancien conseiller scientifique auprès du vice-président socialiste de la région Rhône-Alpes (le monde est petit), « chef du service de la stratégie de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle » au ministère et président du comité de suivi du master a établi une première liste de ces nouveaux masters que l’AEF vient de diffuser.


Un premier constat s’impose : M. Jolion ne sait pas compter. Pour la physique il annonce 5 ou 11 mentions de master et en  propose 4 ou 12. En Biologie-santé, M. Jolion annonce 21+3 mentions et en présente 23.

Ce constat se vérifie lorsque M. Jolion précise dans les principes fondant la nomenclature des intitulés du diplôme national de master que « sans viser une normalisation des flux des étudiants inscrits au sein de chaque mention, ce critère de flux devra être pris en compte afin de viser des équilibrages ».

Cette novlangue peut avoir deux sens. A première lecture on croit comprendre qu’il faut tenir compte des flux  pour définir le nombre de mentions afin d’avoir un équilibre entre les disciplines. Les propositions du ministère devraient donc aboutir à un ratio à peu près homogène d’étudiants par mention ; ce n’est pas le cas.

Le nombre d’étudiants par mention varie de 13.679 étudiants dans l’unique mention «psychologie » à 65 étudiants pour le secteur « théologie » (le ministère qui ne veut pas heurter les lobbies religieux prévoit 3 mentions de théologie pour 195 étudiants inscrits en master en France dans ce « secteur »).

Entre ces deux extrêmes le constat est simple : dans les sciences « dures » le nombre d’étudiants par mention tourne autour de 600. Dans les humanités il monte à 1.400, dans les lettres et les langues on dépasse les 3.000 étudiants et pour la gestion les 4.000…
Le tableau à la fin de cet article donne le détail du nombre d’étudiants par mention à partir des données présentées par le ministère.

On se dit alors que vraiment M. Jolion ne sait pas compter, mais la phrase peut avoir un autre sens (c’est tout l’intérêt de la novlangue). Les masters 2 sont souvent sélectifs. En diminuant le nombre d’intitulés on diminue le nombre de masters… et donc le nombre d’étudiants. Moins il y a de mentions dans un « secteur » moins il y aura de masters. C’est un procédé habile pour réduire le nombre d’étudiants.

Les propositions du ministère prennent alors tout leur sens. M. Jolion, ancien ingénieur, propose d’aller jusqu’à 32 mentions en sciences physiques pour l’ingénieur et sciences et techniques de l’ingénieur mais il n’y aura que 12 mentions pour toutes les Lettres et les Langues !

Les lettres classiques disparaissent. Quant aux langues, le ministère ne prévoit même pas d’indiquer la langue étudiée pour les Langues étrangères appliquées. Il propose des parcours « Langues et affaires internationales » ou « Langues et commerce international », mais pas « Anglais » ou « Allemand». Pourquoi, en effet, préciser la langue n’est-ce pas ? Pour un étudiant ou un employeur que le diplômé parle anglais, chinois ou laotien c’est du pareil au même !

Et ce n’est pas le seul domaine touché. Le management technologique qui permet de former à la gestion les créateurs d’entreprises innovantes disparaît. Quant au social c’est le grand oublié. Ni mention «développement social » ni mention « intervention sociale ». Pourtant ce sont là des secteurs en plein  développement qui recrutent et où le besoin de qualification supérieure est considérable. Mais pour ce gouvernement socialiste, le social, la littérature, les humanités, les universités, cela n’a manifestement pas beaucoup d’intérêt.

Quelles seront les conséquences de cette nouvelle réforme? Dans certains secteurs comme la gestion, la concurrence des formations universitaires va s'atténuer au profit des écoles privés facturant plus de 10.000 € leurs diplômes. Mais surtout, le gouvernement n'ayant même pas le courage de ses choix, va laisser les étudiants entrer sans sélection en 1ère année dans des formations qui ne pourront plus les accueillir en master. De quoi dénigrer plus encore les universités dans quelques années.


nombre d'étudiants par mention de master
secteur
nombre d'étudiants par mention
Psychologie
13679
Sciences de l'éducation
11160
STAPS
6395
AES
4730
gestion hors AES
4137
Lettres-Langues
3248
Droit
2162
Mathématique-informatique
1889
Histoire
1417
Sociologie
1401
Sciences politiques
1300
Géographie
1236
économie
1006
Philosophie
988
Arts
965
Information-communication
838
Agrosciences et environnement
699
Biologie-santé
640
Chimie
559
Anthropologie/Ethnologie
555
SPI-STI
413
Physique
347
Théologie
65


1 commentaire:

  1. Certes, on ne peut pas se satisfaire de la complexité et de la pléthore de l'offre de masters. Mais il faudrait commencer par considérer enfin le master comme un diplôme en deux ans et donc instaurer la sélection à l'entrée du M1.

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