Dès son entrée en fonction, la ministre de
l'enseignement supérieur et de la recherche a multiplié les maladresses
vis-à-vis du monde universitaire ; maladresse dans le choix de son équipe qui
traduisait une adhésion à la LRU quand la grande majorité des universitaires
attendait un changement promis par le candidat Hollande, maladresse dans ses
relations avec les présidents d'universités et les partenaires sociaux,
maladresse encore accrue par sa méconnaissance manifeste des enjeux de
l'enseignement supérieur et de la recherche.
Ces maladresses auraient pu être évitées, ou du
moins corrigées ; c'est l'inverse qui s'est produit. Les maladresses du début
se sont muées en dédain pour les universités, leurs étudiants et leurs
personnels. Il suffit de lire les articles 3 et 11 du projet LRU2 que
la ministre doit présenter au CNESER les 18 et 19 février pour s'en convaincre.
Ils écartent les universités de la réflexion sur la politique nationale de la
recherche en France.
L'article 3 du projet prévoit d'ajouter un alinéa 2
à l'article L123-1 du code de l'éducation ainsi rédigé : "une stratégie
nationale de l'enseignement supérieur est élaborée et révisée périodiquement
sous la responsabilité du ministre chargé de l'enseignement supérieur. Les
priorités en sont arrêtées après une concertation étroite avec les
partenaires sociaux et économiques, la communauté scientifique et
d'enseignement supérieur, les autres ministères concernés et les
collectivités territoriales".
Quant à l'article 11 il modifie ainsi l'article
L.111-6 : "une stratégie nationale de la recherche est élaborée et
révisée périodiquement sous la coordination du ministre chargé de la recherche.
Cette stratégie vise à répondre aux défis scientifiques, technologiques et
sociétaux. Les priorités en sont arrêtées après une concertation étroite avec la
communauté scientifique, les partenaires sociaux et économiques, les autres
ministères concernés et les collectivités territoriales".
Le juriste que je suis se plaindra d'abord de la
médiocrité de la rédaction de cette LRU2 puisque les termes de "communauté
scientifique" sont utilisés dans deux sens différents à la fois pour
désigner l'ensemble des acteurs de la recherche en France... et les PRES
régionaux actuels! Lorsque l'article 39 du projet de loi prévoit que "la
communauté scientifique est un EPSCP" de quoi parle le
gouvernement? D'un PRES? De la recherche française avec comme perspective
de transformer le CNRS en EPSCP? La rédaction d'une loi mérite un minimum
d'attention.
Sur le fond, on note immédiatement l'apparition des
collectivités territoriales dans la liste des acteurs de l'ESR, et l'inversion hiérarchique
des interlocuteurs pour l'enseignement supérieur. La "communauté
scientifique et d'enseignement supérieur" n'est plus l'interlocuteur
prioritaire, ce rôle étant dévolu aux "partenaires sociaux et
économiques".
Mais ce qui choque surtout, c'est la suppression de
la "communauté d'enseignement supérieur" dans la définition de
la stratégie nationale de la recherche. Alors que la recherche participera à
la définition de la stratégie en matière d'enseignement supérieur,
l'enseignement supérieur ne participera pas à la définition de la politique de
recherche!
Aucun gouvernement n’avait osé une telle discrimination de
l’enseignement supérieur. Ce n'est pas seulement absurde, c'est méprisant pour
les universités, leurs étudiants et leurs personnels.
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