Le ministère vient de publier les données relatives à Parcoursup. On peut enfin comparer et évaluer la réforme par rapport à APB. Il faut toutefois être vigilant : les deux documents (APB 2017 et Parcoursup 2018) ne présentent pas exactement les mêmes données et le commentaire relatif à Parcoursup est… optimiste. Il faut donc consulter les tableaux des données accessibles ici pour APB et là pour Parcoursup et parfois reconstituer les données sources pour Parcoursup car elles ne sont pas fournies.
Le constat est sans appel : Parcoursup s’avère pire qu’APB. C'est un processus d'exclusion sociale à grande échelle. Comme nous l’avions prédit, Parcoursup est anxiogène, il ne répond pas aux attentes des candidat.e.s et il est très stigmatisant, décourageant bien des candidat.e.s. Avant de le montrer, une remarque liminaire : à en croire ces documents, le bac a été moins sélectif. Il y avait 21.196 candidats supplémentaires cette année par rapport à l’année dernière et il y a 22.855 bacheliers supplémentaires. C'était le seul handicap supplémentaire que Parcoursup devait gérer.
Un processus anxiogène
Sur les réseaux sociaux, les partisans de Parcoursup, se félicitent du taux de candidat.e.s ayant reçu une proposition. Avec APB, 94,5% des bacheliers ont eu une proposition, ils sont 94,4% avec Parcoursup. Premier constat : Parcoursup ne fait pas mieux qu’APB, mais ses partisans inversent le raisonnement et affirment qu’il ne fait pas pire… quelle ambition !
Surtout, les fans de Parcoursup passent volontairement sous silence la lenteur et le caractère anxiogène de Parcoursup par rapport à APB. Au début du processus, moins de 60% des futurs bacheliers avaient une proposition. Imaginez ce que cela signifie, pour un jeune de 18 ans qui prépare le bac de ne pas recevoir de proposition pour la poursuite de ses études. 235.000 candidats se sont retrouvés dans cette situation le 22 mai, un chiffre considérable. La veille du bac il y avait encore 86.000 candidats sans proposition, une situation totalement inacceptable. Comment peut-on se satisfaire de laisser autant de jeunes dans l’incertitude avant l’examen ?
Un système qui ne répond pas aux attentes des candidats
Deuxième constat : Parcoursup ne répond pas aux attentes des candidats. Une des difficultés auxquelles on se heurte pour comparer APB et Parcoursup est l’absence de classement des vœux. Pourtant, et c'est une surprise, les données publiées par le ministère permettent la comparaison. C’est un des enseignements majeurs de la publication. L’information se trouve dans la dernière colonne du « graphique 2 ». Le ministère a calculé le pourcentage de candidats qui, à un moment quelconque de la procédure, ont accepté la proposition qui leur était faite un jour donné et ce pendant toute la durée du processus. Le chiffre est impressionnant. Seul.e.s 28% des candidat.e.s ont accepté une des propositions reçues le 22 mai. En clair plus de 70% des candidat.e.s n’ont pas reçu le premier jour une proposition qui leur convenait.
À titre de comparaison, toutes filières confondues, APB attribuait le premier vœux à 57,1% des candidat.e.s., un taux qui montait à 82,8% pour les candidats ayant demandé une licence en 1er vœux. Pour les filières sélectives, si le vœux 1 n’était pas toujours attribué, en revanche la majorité des candidats trouvaient une place dans la filière de leur choix 1 (61,6% pour les STS, 78,5% pour les CPGE, 53,9% pour les IUT, source : Tableau 2). En clair, ils n’avaient pas toujours le BTS dans l’établissement de leur choix, mais ils obtenaient tout de même ce BTS dans un autre établissement.
Alors certes, Parcoursup a permis de « caser » plus de candidats en 2018 qu’APB en 2017, c’est le grand argument de ses partisans, mais la très grande majorité des étudiant.e.s qui sont dans nos amphis et nos salles de cours sont là par défaut.
« Chacun doit rester à sa place, ne rêvez pas, contentez vous de votre sort », voilà le discours de cette Startup Nation portée par le gouvernement, la CPU, et certains syndicats, SGEN-CFDT et FAGE notamment. Parcoursup est une machine à décourager, une machine à renoncer, et là encore, les chiffres le démontrent (graphique1). 3,3% des bacheliers n’ont reçu aucune proposition, 17,8% des bacheliers ont quitté Parcoursup, dont 15,5% alors qu’ils avaient une proposition. À titre de comparaison, avec APB (graphique 1), 0,1% étaient sans proposition, 0,2% quittant la plateforme sans proposition.
Un processus d’exclusion
Enfin dernier constat, celui qui fait honte : l’inégalité et la stigmatisation des étudiants. Nos collègues en lycées pros qui s’alarmaient en découvrant que dans certaines classes aucun lycéen n’avait de proposition avaient raison. Seuls 45,3% des futur bacheliers pros ont eu une proposition le premier jour (tableau 3). En moyenne ils leur a fallu patienter 17 jours pour avoir une proposition, et le nombre moyen de propositions n’est que de 2,2 contre 4,2 pour les bacs généraux! Et en fin de parcours? Seulement 58% des bacheliers pros ont reçu une proposition avec Parcoursup (62,4% si on ajoute l'apprentissage) contre 77,9% avec APB l'année dernière. L'exclusion a touché entre 15 et 20% de bacheliers pros en plus par rapport à l'année précédente (graphiques 1 des deux années).
Cette avalanche de données ne rend pas compte de la réalité vécue par ces jeunes. Concrètement cela signifie que dans leur grande majorité, les élèves de terminale pro on été contraints d’attendre la semaine qui précédait la première épreuve du bac pour recevoir une première proposition quand 71% des bacheliers généraux avaient une proposition dès le premier jour. C’est ça le plus indigne. Cette indifférence affichée au sort des jeunes les plus en difficulté, la « société exclusive » si tristement décrite par Jock Young.
Parcoursup privilégie jusqu'à l'indécence une infime minorité de candidat.e.s et se désintéresse de la masse des autres qu'il finit par caser à la va-comme-j'te-pousse. Et on voudrait continuer avec quelques rustines ?
Si on considère que le but de l'orientation vers le SUP est de permettre à un maximum de candidat.e.s d’intégrer une filière conforme à leurs aspirations, Parcoursup est un naufrage et il faut sans délai se ressaisir. Ou alors l'objectif inavoué est de décourager une partie des candidats, parmi les plus fragiles, d’accéder à l’enseignement supérieur? Dans ce cas bien évidemment, Parcoursup est remarquable. C'est un parfait dispositif d’exclusion et de protection des classes sociales privilégiées.
EH oui, Parcoursup est pire que APB, dans le sens où il fait ce dont les candidats ne veulent pas : une SELECTION ! C'est malheureusement indispensable car tout le monde ne peut pas être cosmonaute... Sinon, c'est le tirage au sort. A choisir...
RépondreSupprimerBravo pour ce constat.
RépondreSupprimerMais de grâce, arrêtez les écritures "inclusives" qui rendent cette lecture franchement galère.